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Versailles au temps de Louis XIII

En 1619, Louis XIII porte de nouveau son attention sur Versailles, ce lieu où, plus jeune, il a déjà chassé. Au bout de six à huit ans de recherche, il a enfin trouvé ce qu’il va pouvoir désigner comme étant sa « maison ». Au sommet de la butte dominant le bourg, il fait édifier un corps de logis : le premier Versailles voit le jour.

Par Jean-Claude Le Guillou, historien



Au printemps de 1615, Louis XIII hérite d’une belle maison avec jardin et parc que lui a léguée la reine Marguerite, duchesse de Valois et première épouse de son père, Henri IV.


À la recherche d’une maison

Pour le jeune roi, cette maison, située au sud de Paris dans la paroisse d’Issy, est une aubaine. En effet, comme il doit prochainement se marier, il y voit l’opportunité d’en faire une résidence où il pourra se retirer de temps à autre avec sa future épouse, voire éventuellement tout seul, afin d’échapper à l’oppression qu’exerce sur lui la reine-mère, Marie de Médicis.

Toutefois, bien qu’il ait accepté le legs, il lui a été impossible d’en jouir dans l’immédiat car il est alors obligé de se concentrer sur les préparatifs du voyage qui le conduira à Bordeaux, où son mariage doit être célébré.


Parti du Louvre le 17 août 1615, marié le 25 novembre avec l’Infante Anne d’Autriche, il ne rentre à Paris que le 16 mai 1616. Pour lui, l’attente a assez duré. Aussi, dès le 26 mai s’est-il empressé de prendre possession de la maison : « Monte en carrosse et va à Issy voir l’une des maisons de la feu Roine Marguerite. » Il y retourne le lendemain, puis encore le 30 pour y faire « travailler à son parterre » et encore le 8 juin où il s’amuse à se préparer une omelette dans la cuisine.


Malheureusement, la reine-mère, estimant que l’attitude de son fils constitue une intolérable manifestation d’indépendance, prétend que la maison d’Issy doit servir à éponger les dettes de la feue reine Marguerite, et, en conséquence, elle le force à vendre le parc le 9 juillet, puis la maison et les jardins quelques temps après.


Ayant été dépossédé d’Issy, Louis XIII cherche une compensation en portant son regard, à la fin de l’année 1616, vers les faubourgs du nord-ouest de Paris, particulièrement sur trois écarts des paroisses de Clichy et de Villiers où il achète trois petites maisons nommées « Courcelles », « la Planchette » et « les Ternes ». Il y vient avec plaisir plusieurs fois en décembre 1616, et y fait faire de menus travaux. Mais dès le début de l’année suivante, il y renonce, probablement encore sous l’influence maternelle.


Puis vient la journée du 3 mai 1617 au cours de laquelle le roi, de plus en plus exaspéré par l’omniprésence de sa mère, s’en libère fermement en l’exilant au château de Blois, après l’avoir privée du soutien de son favori Concini, assassiné le 24 avril.


Le lendemain du départ de la reine-mère, le roi part pour le château de Vincennes où un logis récemment construit pourrait peut-être devenir la résidence qu’il cherche. Mais l’est parisien ne lui convient pas. Préférant décidément la région de l’ouest, il jette son dévolu à la fin de l’été sur le château de Madrid, aux confins du bois de Boulogne. Cette fois, comme il peut enfin disposer à son gré des deniers alloués aux Bâtiments royaux, il y fait faire de notables travaux de restauration et d’aménagement. Tout étant achevé au début de l’année 1618, le roi s’y rend le vendredi 19 janvier et « visite tout le logement du chasteau, le fait luy-mesme marquer pour y loger ». Puis le mardi suivant, accompagné de son épouse, il « va à Madrid pour y loger, ce fust la première fois ». Ils y restent pendant dix jours, jusqu’au 1er février. Mais une telle résidence, un peu trop royale, ne correspond pas exactement à l’idée de retraite que Louis XIII entretient en son for intérieur.


Chasses à Versailles

C’est alors qu’il se souvient d’un lieu où il a chassé étant enfant, et où il est revenu par hasard en septembre 1617 alors qu’il chassait à Maisons-sur-Seine : « Le cerf passe l’eau [la Seine] et le roi y passe aussi la rivière à gué et va jusqu’à Versailles. » 


En février 1619, le nom de Versailles réapparaît, intentionnellement cette fois, à l’occasion d’une grande chasse organisée par le roi en l’honneur du prince Victor-Amédée de Piémont-Savoie, qui vient d’épouser la princesse Christine de France, sœur du roi. Cette chasse les conduit « à la plaine de Versailles où ils volèrent à tout et prirent tout, courent le lièvre avec lévriers, là où la chienne du roi, petite braque appelée Bonne-pièce, arrête une perdrix qu’elle prit par le pied ainsi qu’elle s’élève pour s’envoler ».


Après cette chasse, on retrouve le roi à Versailles le 23 novembre de la même année : « Arrive à Versailles à neuf heures, où il a dîné à dix […]. À midi monte à cheval, part de Versailles, et chassant, arrive à Saint-Germain-en-Laye. » De même le 15 février 1621, toujours pour une chasse suivie d’un dîner.


À ce moment, Versailles commence donc à tenir une place notable parmi les activités du roi. À tel point qu’il se décide à y acheter la garenne seigneuriale, c’est-à-dire une petite réserve de menu gibier (1).


Dès lors, on le voit, attentif à ses droits de chasse, édicter des réglements et faire dresser une liste exhaustive des personnes autorisées à chasser sur le terroir ; en l’occurrence lui-même, le seigneur de Glatigny, le curé de Buc, le lieutenant du prévôt de L’Isle et quatre habitants du lieu. Déjà il y réprime les cas de braconnage, et dans une affaire plus grave, le 31 mai 1622, il ordonne une enquête afin de faire la lumière au sujet du meurtre crapuleux perpétré contre le « garde de [sa] garenne de Versailles ».


La première maison de Louis XIII à Versailles

Cette fois, les dés sont jetés : la maison personnelle qu’il espère posséder depuis sept ou huit ans sera à Versailles. Certes, il y existe bien un manoir seigneurial qu’il aurait pu acheter ; mais comme ce manoir est enclavé en plein bourg, sa situation est incommode ; de plus, il est occupé par plusieurs familles de villageois qui en louent les chambres et le jardin au seigneur du lieu, Jean-François de Gondi, archevêque de Paris.


Dans ces conditions, le roi décide de construire sa propre maison, et pour cela il choisit un terrain qui, étant extérieur à la seigneurie de Gondi, relève de la seigneurie du Prieuré Saint-Julien de Versailles. Pour Louis XIII, cette particularité féodale présente un sérieux avantage puisque la seigneurie de Saint-Julien est un « franc-fief » dépendant directement du roi de France, donc de lui-même. 


L’emplacement retenu est le sommet de la butte dominant le bourg de Versailles. L’espace dont le roi a besoin ne consiste qu’en trois hectares de terres en culture, ainsi qu’en une petite motte sur laquelle est bâti un moulin à vent. À la fin de l’été de 1623, Sa Majesté réquisitionne l’ensemble sans rien payer aux six propriétaires concernés, mais en leur promettant de les indemniser plus tard.


Comme la maison qu’il y fera bâtir sera isolée, et par conséquent exposée au brigandage, voire aux attentats, Louis XIII veut lui donner les caractères d’une maison forte reposant sur une plate-forme bastionnée. Plus en détail, la maison affectera la forme d’un quadrilatère formé d’un corps de logis, de deux ailes en retour et d’un mur de clôture, laissant une cour carrée au milieu. Par prudence, toutes les fenêtres extérieures, au rez-de-chaussée, seront protégées par de gros barreaux de fer. Quant à la plate-forme, ponctuée de quatre bastions, elle sera entourée de fossés de type militaire en étoile à quatre pointes. Naturellement l’ensemble sera complété d’une basse-cour pour le service et d’un jardin pour l’agrément – le tout étant contenu dans un enclos rectangulaire fermé par une muraille assez haute pour dissuader les importuns et les brigands.


À l’intérieur, le roi veut un appartement de quatre pièces pour lui-même, une quinzaine de chambres pour ses compagnons de chasse, ainsi que des locaux de service tels que cuisine, garde-manger et armurerie. Aucun logement n’est prévu pour la reine car le roi ne l’y souhaite pas : « Je crains le grand nombre de femmes qui me gâterait tout si la reine y venait » dira-t-il un jour.


La première visite

Les travaux de construction conduits à partir de septembre 1623 par Nicolas Huau, maître-maçon parisien, s’achèvent au mois de mars 1624. Ou, du moins, sont-ils assez avancés puisque le roi, impatient de jouir de sa maison, veut y coucher lors de sa visite du 9 de ce mois-là. Évidemment comme cette décision est impromptue, et qu’il n’y a encore aucun meuble dans la maison, il dépêche un coursier à Paris avec mission de faire apporter son lit du Louvre à Versailles. Vers sept heures du soir, le lit ayant été livré, le roi aide lui-même à le monter.


Le lendemain matin, qui est un dimanche, le souverain se réveille à cinq heures et demie. Après avoir déjeuné, il se rend à l’église paroissiale pour la messe, puis s’élance afin de courir le renard jusqu’à onze heures. Il se rend pour « dîner » dans l’une des auberges du bourg, la cuisine de sa maison n’étant pas encore équipée. Ensuite, à cheval, il part pour Paris où il arriva à deux heures de l’après-midi.


Cette première journée à Versailles est à l’image de celles qui suivent pendant plusieurs années, hormis que, si les séjours se prolongent, les soirées du roi et de ses compagnons de chasse s’animent par le souper dans la grande salle du premier étage, puis par la musique instrumentale ou chantée, les jeux de société et le billard.


Au cours de l’été de 1624, la maison ayant été meublée, le roi est venu le 2 août pour examiner l’effet produit, s’amusant « à voir toutes les sortes d’ameublements que le sieur de Blainville, premier gentilhomme de la chambre avait fait acheter, jusqu’à la batterie de cuisine ».


Le 16 décembre suivant, la reine-mère Marie de Médicis, avec laquelle le roi s’est réconcilié, se fait un plaisir ou un devoir de lui offrir une tenture de tapisserie pour sa chambre et la grande salle, ainsi que quantité de linge de table. L’ensemble est de qualité véritablement royale puisqu’il comprend huit grandes pièces de tapisserie de Flandre se rapportant à l’histoire de Marc-Antoine, et « douze douzaines de serviettes et dix-huit nappes blanches, ouvrées et façonnées de petite Venise ».


Pour le roi, la moindre des choses est de remercier sa mère de façon éclatante en lui faisant les honneurs de sa maison. Mais il hésite longtemps puisqu’il faut attendre le 3 novembre 1626 pour qu’il se décide à l’inviter, ainsi que son épouse, pour une brève visite. Ce jour-là, il offre « un excellent festin aux Reines et Princesses où il porta le premier plat, puis s’assit auprès des deux Reines ; il y fit garder un ordre merveilleux. Puis leur donna le plaisir de la chasse. Un lièvre poursuivi se vint rendre dans leur troupe ».


Le parc de la maison de Versailles

Évidemment, comme la maison n’est pas encore pourvue d’un parc, cette chasse s’est déroulée dans la petite garenne seugneuriale. Comprenant qu’il y a là quelque chose de mesquin, le roi est resté seul à Versailles après le départ des reines, afin d’y réfléchir et de travailler à la conception d’un vrai parc de chasse. Ayant défini les bases de son projet, certainement en dessine-t-il lui-même un plan de principe qu’il fait transmettre à un arpenteur.

Cette fois, il s’agit de réquisitionner 44 ha dont la plus grande part (26 ha) consiste en des terres roturières dépendantes du franc-fief du prieuré, et le reste en quelques pièces tenues en censive de la seigneurie de Jean-François de Gondi, et même en un fief relevant de Glatigny.

Sans plus attendre, l’arpenteur Pierre Lesage mesure les terres à partir du 13 novembre 1626 en présence du roi. Aussitôt après, ils procèdent au traçage de longues allées perpendiculaires délimitant huit grands carrés de 195 m de côté, et deux autres plus petits. Dans ces carrés, nommés aujourd’hui « bosquets », sont ensuite plantés diverses essences d’arbres par les soins de Jean Mouffle, « planteur de bois demeurant à Glatigny », et par Jean Maignan, « autre planteur demeurant à Noisy ». Leur charge de travail – consistant à transformer en bois 44 ha d’anciennes terres agricoles – ayant été considérable, ils ne terminent leurs plantations qu’au début de l’été de 1629.


Le château de Louis XIII à Versailles

Au cours de la même année, Louis XIII s’est occupé de pourvoir son domaine de commodités nécessaires à d’éventuels séjours un peu plus prolongés qu’à l’ordinaire. À cette fin, il fait construire un jeu de paume et établir une canalisation avec pompe pour monter l’eau potable jusqu’à la maison.


C’est un progrès appréciable ; mais le roi fait bien davantage à la fin de l’année suivante lorsqu’il décide de remplacer sa maison par un véritable château. Peut-être y pense-t-il déjà depuis un moment, mais l’idée s’est imposée à lui en conséquence d’un nouvel affrontement avec sa mère. 


S’étant ainsi irréversiblement libéré d’une tutelle qui lui pèse depuis vingt ans, Louis XIII réorganise son système de gouvernance au moyen d’une restructuration politique et topographique des lieux de pouvoir. Cette réorganisation consiste à abandonner définitivement le Louvre au profit de l’ouest parisien où seront installés trois lieux de souveraineté soigneusement hiérarchisés : premièrement, le château de Saint-Germain-en-Laye qui sera le nouveau lieu de majesté où résidera la Cour ; deuxièmement, le château de Rueil, demeure de Richelieu où se tiendra le Conseil ; troisièmement, la maison de Versailles, résidence personnelle du roi qui, promue au rang de « Château », sera le sanctuaire où, en son privé, Sa Majesté aura la grâce d’honorer les personnes de distinction, les princes étrangers et les ambassadeurs.


Évidemment, dans ce contexte, la modeste maison de Versailles ne convient plus. Il importe de la faire disparaître et de la remplacer par une demeure plus conforme à l’image que le roi se doit de produire. Cela suppose la construction d’un édifice de qualité, majestueux mais néanmoins de proportions sciemment mesurées, afin que les personnes invitées puissent juger du privilège qui leur est accordé d’être reçus dans l’intimité royale.


La construction de ce nouveau château de Versailles est entreprise au printemps de 1631. Bâtie  selon les plans de l’architecte-ingénieur Philibert Le Roy à l’emplacement de l’ancienne maison, la résidence aura quasiment le même plan, mais le corps de logis et les ailes en retour seront plus longs, plus larges et plus hauts, et ponctués aux quatre coins extérieurs par autant de pavillons saillants. En élévation les façades seront de pierres et briques, soulignées aux angles par des pilastres en pierre d’ordre dorique colossal. Du côté de l’entrée, le mur de clôture de la cour sera remplacé par un beau portique à sept arcades de pierre de taille, garnies de riches ferronneries.


Afin d’éviter un chantier trop important qui aurait inévitablement gêné les séjours royaux, il est décidé que la reconstruction s’étalera sur quatre années, par tranches successives. On commence donc au début du mois de mai 1631 par la reconstruction du corps de logis, lequel est allongé, épaissi et encadré par deux pavillons saillants ou décrochés. En 1632, on rebâtit l’aile droite, terminée par un troisième pavillon décroché. L'année suivante, on reconstruit la façade du logis au fond de la cour, ainsi que l’aile gauche, identique à celle de droite avec également un pavillon. Enfin, du côté de l’arrivée, on achève le tout en 1634 en remplaçant le mur de clôture de la cour par le portique.


Le 15 août 1634, tout est terminé, mais le roi, retenu à Chantilly puis à Montceaux, ne peut venir découvrir son nouveau château de Versailles que dans l’après-midi du 13 octobre. Il peut en être satisfait : désormais, au lieu de sa terne maison rurale et précaire des premières années, se dresse un fringant édifice aux lignes élancées et colorées de rose et d’ocre pâle, hérissé de toitures d’ardoises au ton gris bleuté, et rehaussé de ferronneries peintes en vert avec ornements dorés.


Paiement des terrains et acquisition de la seigneurie de Versailles

Pendant que le nouveau château commençait à s’élever, Louis XIII avait estimé qu’il était grand temps de régulariser sa position en indemnisant enfin les propriétaires des terrains réquisitionnés en 1623 pour bâtir sa première maison, puis en 1626 pour aménager son parc. De plus, afin d’être bien maître chez lui, il avait acquis la seigneurie de Versailles avec toutes ses terres, prés, bois et droits féodaux.


Les indemnisations relatives aux terrains ont eu lieu à partir du 23 avril 1631, soit une semaine avant le début des travaux du château. Ce jour-là et les suivants, tous les propriétaires, munis de leurs titres de propriété, ont été invités à présenter leurs revendications quant « à l’estimation de leurs fonds et évaluations des indemnités dues en compensation de la non-jouissance de leurs biens ». Après quoi, au cours des mois de juin et de juillet, chacun a été payé par Pierre Lopin, notaire au baillage de Versailles.


Et ce n'est pas tout, puisqu’au moment même où il régularise sa situation, le roi vient d’accroître son parc en y ajoutant plusieurs carrés supplémentaires (2). Cette fois les propriétaires concernés sont indemnisés sans trop attendre puisque leurs terres et leurs prés leur sont réglés au cours du printemps de 1632.


En même temps, le roi a acquis la seigneurie. Non pas celle sur laquelle s’étendait son château et son parc, c’est-à-dire celle du prieuré de Saint-Julien – il n’a pas à s’en soucier puisque c’est un franc-fief dépendant de lui – mais il lui faut impérativement celle de Jean-François de Gondi afin de s’assurer une position dominante sur tout le terroir de Versailles.

Sur ce point, il convient que l’acquisition soit faite par la Couronne et non pas par le roi à titre personnel, puisque ce sera en qualité de souverain que Louis XIII recevra ses hôtes d’État à Versailles. Il faut donc, en 1631, procéder à de préalables formalités avec la Chambre des comptes. Finalement, le 8 avril 1632, l’affaire étant réglée, Jean-François de Gondi cède à Sa Majesté toutes les terres et les droits féodaux de Versailles, moyennant la somme de 66 000 livres qui lui est versée au comptant par monsieur de Guénégaud, conseiller du roi en ses Conseils d’État et privé et trésorier de l’Épargne.


Ainsi a-t-il fallu presque dix ans pour que le roi s’assure la maîtrise de Versailles. Pour autant, force est de constater qu’il ne s’y rend guère. Ayant désormais délaissé Paris où il ne vient plus que pour d’incontournables cérémonies, il partage son temps entre sa résidence principale de Saint-Germain-en-Laye (vingt semaines par an en moyenne entre 1631 et 1643) et ses campagnes militaires (quatorze semaines). Le reste de chaque année, il va d’une résidence de chasse à l’autre, pour des séjours saisonniers. Son lieu de prédilection est Chantilly, où il passe en moyenne cinq semaines chaque année, généralement en deux saisons. Ensuite dans l’ordre de ses préférences viennent Fontainebleau (quatre semaines), Montceaux-lès-Meaux (deux semaines) et, plus rarement, Compiègne, Dourdan, etc.

Son château de Versailles étant devenu en quelque sorte une annexe de Saint-Germain, il lui permet d’entrecouper ses séjours officiels, tantôt pour la chasse, tantôt pour y recevoir des personnes de distinction. Il s’y rend de sept à dix fois par an, mais comme il n’y reste généralement qu’une seule journée, voire, très rarement, trois ou quatre jours d’affilée, ses séjours à Versailles ne totalisent guère que trois à quatre semaines chaque année.


Réceptions officielles à Versailles

Nous avons dit plus haut que Louis XIII n’était venu voir son château terminé que le 13 octobre 1634, soit deux mois après l’achèvement des travaux. S’il a retardé sa visite, c’était parce qu’il voulait l’inaugurer de manière éclatante en présence d’une assistance choisie, à laquelle il était fier de faire progressivement admirer la beauté de l’architecture puis la splendeur des intérieurs, tout juste ornés des richissimes ameublements que sa sœur Christine, duchesse de Savoie, venait de lui offir « pour mettre en son chasteau de Versailles ». Ces ameublements consistent en quatre ensembles complets, c’est-à-dire comportant sièges et tentures « de velours à fond d’argent ; l’un bleu, l’autre gris de lin, le troisième vert et le quatrième nacarat [rouge-rosé] ». C'est du reste au cours de cette visite inaugurale qu’il a la grâce de distinguer l’ambassadeur de Savoie, représentant la duchesse, en lui offrant « une riche enseigne [parure en agrafe] de diamans ».


Six mois plus tard, le 12 avril 1635, rentrant d’un séjour à Chantilly, il présente Versailles à la reine son épouse : « La Reine vint hier ici, accompagnée de la duchesse de Montbazon et de ses filles. Monsieur [frère du roi] y est aussi arrivé de Paris en même temps. Sa Majesté est allée au devant de la Reine et après lui avoir fait voir la maison, lui a fait une très belle collation et aux Dames de sa suite. […] Après cette collation, la Reine & toutes les Dames sont allées à cheval dans le parc voir chasser le renard aux chiens du Roy […] et comme ce divertissement n’étoit que pour la Reine & les Dames, il n’y avoit aussi qu’elles à cheval ; le Roy, Monsieur et tous les Seigneurs estans à pied près d’elles. »


S’étant ensuite éloigné de la région parisienne, le roi revient à Versailles le 25 février 1636 pour y recevoir à dîner le duc de Parme Edouard Farnèse, alors en visite en France pour y solliciter des secours dans son conflit contre l’Espagne qui vient de s’emparer de son duché de Plaisance.


L’année suivante, Monsieur, après avoir dîné à Rueil chez le cardinal de Richelieu le 16 février, est invité par son frère à Versailles où il dispose d’un appartement qu’il occupe pendant quatre jours. En mai 1638, c'est le tour de Mademoiselle (fille de Monsieur), accompagnée de nombreuses dames « lesquelles à cheval en capeline, eurent le plaisir de la chasse du renard dans le parc de cette belle maison ; à l’issuë de laquelle le Roy leur donna une magnifique collation, où elles furent servies par tous les Seigneurs qui se trouvèrent lors près du Roy ».


Comme l’on peut en juger, Versailles est bien devenu un lieu de visites et de réceptions très éloigné de sa modeste vocation première de 1623. Du reste, cela transparaît clairement à la lecture du livre Le Voyage de France qui, publié le 1er mars 1639, attire déjà l’attention des voyageurs amateurs d’art : « On fera bien, pendant le séjour de Paris, de visiter Versailles où le Roy règnant fait bastir. » Ainsi, un premier élan touristique est-il lancé… 

En 1640, le roi effectue encore de brefs séjours à Versailles en début et en fin d’année, mais sans rien y faire de mémorable. En octobre 1641, il y loge ses deux fils, le Dauphin (futur Louis XIV âgé de trois ans) et son petit frère Philippe (un an) afin de les éloigner d’une épidémie qui ravage alors Saint-Germain. 


Le 30 décembre, le roi reçoit Jules Mazarin qui, nouvellement promu cardinal, vient le remercier de son intercession auprès du pape Urbain VIII. Louis XIII, qui n’a qu’à se féliciter de ses bons offices dans des missions diplomatiques qu’il lui confie depuis longtemps, « lui fit de grandes caresses et en témoigna un contentement indicible ».


Quelques jours après, le 9 janvier 1642, le roi revient à Versailles en grande compagnie : « Il courut en mesme tems dans les buissons de Versailles six cerfs avec autant de meutes différentes ; assavoir deux de Sa Majesté, celle de Monsieur et celles du duc d’Angoulesme, de l’évêque de Metz et du Sieur de Souvré. Au retour, ne se sentant nullement fatigué, le roi commande à plusieurs Seigneurs de sa Cour de souper à sa table. » 


À la fin de l’année, avant et après Noël, Louis XIII fait encore deux séjours de deux jours chacun à Versailles. Puis en janvier 1643 il y revient deux fois ; d’abord le 5 et le 6, puis du 24 au 28. Ce jour là, il y reçoit « le cardinal Bichi qui alla trouver le Roy à Versailles duquel il fut parfaitement reçu ». Puis viennent les deux derniers séjours : « Le Roy ayant demeuré à Versailles depuis le 8 [février 1643]. Jusques à l’unzième de ce mois et y estant retourné le 14, y ayant donné à souper à sa table à Monsieur son frère, où estoient aussi l’évesque de Metz, le mareschal de Schomberg et six autres Seigneurs. Le mardi précédent Sa Majesté avoit aussi honoré de sa table le cardinal Mazarin, ledit évesque de Metz, le mareschal de Guiche, le Sieur de Chavigny secrétaire d’Estat et quatre autres Seigneurs. »


Rentré à Saint-Germain le 18 février, le roi tombe malade le 21. Très affaibli, il garde la chambre où il cherche à se distraire en se mettant à la peinture et à la musique. Au début du mois de mars une période de rémission lui permet de chasser, mais bientôt une rechute l’amène à ne plus sortir.


Un jour d’avril, reprenant espoir en une guérison possible, il confie à son confesseur le père Dinet : « Si Dieu me rend la santé, sitôt que je verrai mon Dauphin en état de monter à cheval et en âge de majorité, je le mettrai à ma place et je me retirerai à Versailles avec quatre de vos pères pour m’entretenir avec eux des choses divines ; à la réserve du divertissement de la chasse que je désire toujours prendre, mais avec plus de modération qu’à l’ordinaire. »

Son vœu n'est pas exaucé. Il meurt en début d’après-midi le 14 mai, jour de l’anniversaire de la mort de son père Henri IV.


1• Située là l’emplacement de l’actuelle gare « Versailles Château Rive Gauche ».


2• Les actuels quatre bosquets du bas du parc, plus la moitié des parterres du Nord, du Midi et de l’Orangerie


Le style architectural

Louis XIII veut un édifice dans le goût rustique, fait des matériaux les moins coûteux possibles tels que moellons du pays crépis et enduits de plâtre pour les murs extérieurs et intérieurs, avec parquets de sapin, carrelages de terre cuite et même des aires de plâtre pour les sols des chambres mansardées. Évidemment, en raison de la fragilité des matériaux, la maison sera vouée à une durée d’existence plutôt brève. Mais cela ne rebute nullement le roi puisqu’il fait bâtir à Versailles pour son usage du moment, et non pas pour la postérité.


La rupture du roi avec sa mère

Le 11 novembre 1630, au cours d’une scène d’une violence verbale outrageante, Marie de Médicis a exigé de son fils le renvoi de son principal ministre le cardinal de Richelieu, qu’elle veut remplacer par Michel de Marillac, l’une de ses créatures. Froidement, le roi s’est retiré sans répondre mais, étant allé s’isoler à Versailles, il a confirmé Richelieu au ministère, a fait incarcérer Marillac, et s’est définitivement débarrassé de sa mère en la reléguant à Compiègne, d’où elle parvient finalement à s’enfuir pour se réfugier aux Pays-Bas espagnols.


Indemnisations financières

Les compensations auprès des anciens propriétaires fonciers coûtent une somme d’environ 7 700 livres pour les fonds de terre, 1 300 livres pour huit années de loyer pour les espaces occupés par la maison depuis 1623-1624, mais quatre années seulement pour les terrains enclos dans le parc depuis 1626-1627. À cela s’ajoutent 70 livres pour semences et labours perdus et encore 424 livres pour remboursement de droits de cens et de dîmes.

 
 
 

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