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Venise et Versailleseffets en miroirs

La culture italienne, son ancienneté, sa force de création et l’épopée d’un empire rayonnant sur le monde fut pour les Français un sujet de fascination. Si Rome fut l’épicentre de ces attraits, la fastueuse République de Venise attire les regards et devient un nouveau sujet d’admiration qui suscite le plus grand intérêt des collectionneurs sous le règne de Louis XIV. Le château de Versailles témoigne d’échanges artistiques qui sont autant de reflets de ces nouvelles relations politiques.



Par Fabrice Conan, historien de l’art

Au cours du xviie siècle, Paris comme Venise ont des relations complexes avec le Saint-Siège. Toutes deux cherchent à contrôler les nominations des ecclésiastiques influents. Le pape Paul V frappe de l’interdit l’ensemble de la Sérénissime (excommunication générale en 1606). La médiation française apaise les tensions mais des points de friction sont récurrents concernant les possessions vénitiennes de la Terre Ferme et les États du pape. L’affaiblissement politique de Venise se double de difficultés économiques, car les routes commerciales ont évolué depuis la Renaissance, et la flotte turque empêche la libre circulation des navires vénitiens en Méditerranée.


Lorsque Venise regarde vers la France

Afin de naviguer et de commercer plus aisément, Venise souhaite profiter des liens de la France avec la Sublime Porte, pour ménager des accords de libre circulation et mettre fin aux assauts des navires ottomans. En effet, la France entretient des relations avec la Sublime Porte voyant dans la Turquie un allié puissant pouvant faire contre-pouvoir dans l’Est de l’Europe. Le gouvernement vénitien opère alors des manœuvres vers Paris, et pour sceller cette volonté d’union, des présents diplomatiques sont offerts. Les objets d’art envoyés en gage d’amitié témoignent de ce rapprochement.


Les peintres de la grande école de Bologne et de Rome sont très représentés dans les collections royales. L’art vénitien l’est bien moins. Charles de Créquy commandant de l’armée d’Italie (1635-1637) avait reçu du duc de Savoie Les pèlerins d’Emmaüs de Véronèse. Le cardinal de Richelieu l’achète (sans jamais rien payer !) puis l’offre à Louis XIII en 1639. Ce tableau emblématique de la belle manière de Venise, Louis XIV l’accroche en pendant de La tente de Darius, œuvre de Le Brun, manifestant son goût pour l’école coloriste vénitienne, ses lumières plus dorées et un art de séduction chromatique contrastant avec la précision de la ligne dessinée dans les tableaux romains. Une nouvelle esthétique se met en place, Le Brun et Véronèse s’exposent en miroir dès 1660 dans le cabinet du Roi aux Tuileries avant de gagner Versailles et le salon de Mars en 1682 : l’art vénitien dialogue avec l’art français.


Ces luxueuses collections d’art sont une marque du prestige du souverain. Initialement peu enclin aux Beaux-Arts, le Roi-Soleil entre progressivement en concurrence avec les nations voisines, et des acquisitions décisives se font sous l’impulsion de Colbert.


Titien est considéré comme un maître incontournable, Tintoret étonne par ses cadrages, Véronèse séduit par l’ampleur de ses compositions, la richesse des tenues, le faste des architectures. Posséder une grande toile du maître est une gageure car réalisés pour des couvents, ces tableaux monumentaux ne peuvent pas sortir des établissements, et sont d’ailleurs jalousement protégés par le Sénat vénitien qui en interdit l’exportation afin de ne pas affaiblir le patrimoine de la cité.


Tractations pour un Repas

En 1570 Véronèse et son atelier livrent Le repas chez Simon, grande toile décorant tout un mur du réfectoire du couvent vénitien de Santa Maria dei Servi. Comme dans Les Noces de Cana en 1563 (aujourd’hui au musée du Louvre) puis pour La Cène de Saint-Grégoire le Grand à Monte Bercio (1572) et Le repas chez Levi (Accademia 1573), le peintre met en image une idéalisation de Venise protectrice de la foi chrétienne. Il est vrai que la cité avait alors remporté une victoire contre les Ottomans à Lépante en 1571. Cette pieuse proclamation s’illustre toutefois dans des compositions séductrices aux charmes profanes qui étonnent bien des visiteurs étrangers. C’est dans ce moment que l’ordre des Servites installé depuis 1318 dans le quartier de Cannaregio se dote de nouveaux bâtiments et agrandit son réfectoire. Quatre-vingt ans plus tard les frères sont endettés et cherchent le moyen d’apurer leurs comptes… l’idée de vendre la toile est évoquée en 1651. Les grands collectionneurs italiens, le roi d’Espagne, sont intéressés, toutefois les 10 000 ducats demandés saisissent les esprits et ferment les bourses des acheteurs.


En 1663 la flotte de la Sérénissime est de nouveau assaillie par les attaques du Grand Vizir lors de la guerre de Candie (Crète). L’ambassadeur de Venise en France, Alvise Sagredo, voit avec effroi des tractations de la France et de l’Autriche pour obtenir des traités séparés sans associer Venise. Sagredo intercepte et falsifie des courriers. Afin de remettre de l’ordre dans les relations franco-vénitiennes, Colbert envoie en ambassade le florentin Pierre de Bonzi qui, en plus de sa mission, va se révéler un efficace émissaire pour obtenir le tableau des Servites. Dans ce contexte Louis XIV fait une offre d’achat du tableau en mai 1663. Le 17 avril 1664 une querelle de rue entre les domestiques de l’ambassadeur de Venise et les palefreniers en livrée de l’Écurie du roi crée une nouvelle tension. Venise pour réparer les mauvais agissements de son ambassadeur écarte les offres de Léopold de Médicis, du duc de Modène et de celui de  Mantoue, du cardinal d’Este, du marquis Spinola, et décide d’offrir Le repas chez Simon en gage de son amitié. Louis XIV obtient la soumission de Venise et l’envoi du tableau en septembre 1664.


À son arrivée en France, le roi peut voir la toile déroulée aux Gobelins avant qu’elle soit restaurée. C’est là que le cavalier Bernin admire l’œuvre, qui par son format (4,54 m de haut x 9,74 m de large) peine à être accrochée dans une résidence. Louis XIV n’en profitera jamais. Le tableau ne trouve sa place qu’à partir de janvier 1730 dans le cadre sculpté par Vassé et Desauziers sur le mur sud du salon d’Hercule. Le salon est achevé le 26 septembre 1736 avec l’inauguration du plafond de François Lemoyne, aux accents colorés très vénitiens.

Depuis en ce lieu, Véronèse fait face à Véronèse : dans le salon d’Hercule Le repas chez Simon fait écho à Eliezer et Rebecca, toile entrée dans les collections royales lors de l’achat d’une centaine de tableaux du banquier Jabach en 1662.


Au cours du xviie siècle, les collections royales passent de deux cents tableaux, lorsque Louis XIV monte sur le trône, à plus de deux mille quatre cents œuvres dans l’inventaire de 1709, accroissement sans précédent depuis François Ier. Les vénitiens collectionnés jusqu’ici par les particuliers entrent en force chez le roi. Persée et Andromède de Véronèse (encore !) trouve place entre 1711 et 1717 dans les lambris de marbres face à la cheminée du salon de Diane (musée des Beaux-Arts de Rennes). C’est ensuite L’Ange Gardien (musée du Louvre), une toile de Domenico Fetti, peintre qui fit sa carrière à Venise, qui remplace le Véronèse jusqu’à la Révolution.


Dans l’état ancien du château, entre 1684 et 1701 l’actuel salon de l’Œil-de-Bœuf était divisé en deux parties, le côté sud accueillant la seconde antichambre du Roi, le côté nord, la chambre royale. Une série de toiles de Francesco, Jacopo et Leandro Bassano, maîtres de la Renaissance vénitienne, recouvre les murs de l’antichambre, offrant un panorama complet de leurs productions allant des scènes de campagne vénitienne au rythme des quatre saisons, à des thèmes religieux comme la Déposition, la Montée au Calvaire… Nombre de ces toiles furent acquises lors de la vente d’une partie de la collection d’Everhard Jabach, banquier, directeur de la Compagnie des Indes orientales et amateur d’art averti à la tête d’une très riche collection. Avec les achats de tableaux auprès d’amateurs d’art, la collection de Louis XIV a l’opportunité de s’ouvrir à l’art vénitien, jusque-là sous représenté dans les fonds royaux. Au moment où Louis XIV commence seulement à regarder davantage ses peintures, comme il le dit au Bernin lors de son séjour en 1665, d’insignes chefs-d’œuvre sont acquis. Cette concordance fortuite, car les œuvres sont achetées au gré des opportunités, n’en est pas moins intéressante.


Titien est le vénérable maître, figure tutélaire de la Renaissance vénitienne. Le peintre est admiré en France depuis l’arrivée du portrait de François Ier (musée du Louvre), effigie brillante et vivante du souverain, réalisée en 1538 à partir d’une médaille, l’artiste n’ayant jamais rencontré son modèle. Il est donc naturellement en bonne place en particulier dans le salon de Mercure où la cour de Louis XIV put contempler toujours par Titien Les Pèlerins d’Emmaüs(musée du Louvre), Andromède et Persée par une copie d’après le maître (Montauban, musée Ingres), la Vierge, Jésus et Sainte Agnès (Dijon, musée des Beaux-Arts) et sa célèbre Mise au Tombeau (musée du Louvre). Dans ce salon on peut contempler quatre toiles attribuées au grand Titien, soit la moitié des tableaux accrochés. D’autres trésors n’étaient visibles que pour les initiés, car présentés dans la Petite Galerie au sein de l’appartement de collectionneur du roi (1).


Après avoir abrité les gemmes du roi, à partir de 1692, elle accueille essentiellement des chefs d’œuvre de la peinture dont La Joconde de Léonard, la Madeleine de Titien, le Balthasar Castiglione de Raphaël, des toiles de l’Albane, Carrache, Corrège, Reni et de très beaux Titien comme l’Allégorie conjugale, aujourd’hui conservés au musée du Louvre.

Ces tableaux se retrouvent parfois dans une ambiance vénitienne en voisinant des textiles précieux provenant de la lagune. Reconnue pour la qualité de son commerce d’étoffes, Venise fournit pour Versailles de belles pièces d’ameublement comme les portières en riche brocatelle de Venise posées dans la salle des gardes du Roi. Il est vrai que comme le doge, le roi vit à proximité d’un Grand Canal !


De la lagune au Grand Canal

Un autre témoignage de la bonne entente entre le doge et le roi, s’incarne dans l’envoi en 1674 de quatre gondoliers avec leurs embarcations, pour voguer sur les ondes du canal versaillais. Pour les accueillir, un petit chantier naval et des logements sont créés par l’architecte Bergeron à proximité, sous le nom toujours usité de « Petite Venise ». Sans égaler le fastueux Bucentaure, trône flottant de la Sérénissime, de riches embarcations sont livrées pour les promenades et sérénades en musiques qu’offre le roi. En 1688, une peota (2) à la mode de Venise vient rejoindre la flottille royale.


Les gondoliers qui la manient sont somptueusement vêtus de costumes rouge et or pour augmenter, si cela était possible, le faste du cortège d’une « cour toute d’or et de plaisirs » comme le disait déjà en 1660 l’ambassadeur de Venise Alvise Grimani.


À l’initiative du marquis de Louvois, des charpentiers viennent de Venise pour entretenir puis construire gondoles et chaloupes directement à Versailles. De ces bateaux aussi précieux que rares il ne subsiste rien. L’on peut en trouver un écho dans la peota conservée au château de Veneria Reale près de Turin. Offerte en 1731 par Venise à la famille de Savoie, longue de 16 mètres, virtuosement sculptée par Goyel et Calderoli, elle nous donne à imaginer les trésors flottants de Louis XIV.


Sans Venise la Grande Galerie n’aurait point d’éclat

Le lieu le plus emblématique de Versailles n’aurais jamais été le même sans l’apport du savoir-faire des vénitiens. Alors qu’il est impossible de faire en France de grands miroirs, Louis XIV souhaite une galerie à la place de l’ancienne terrasse du château, avec un côté entièrement orné de glaces ! Colbert entrevoit avec inquiétude la dépense et la nécessité d’importer à un prix faramineux les miroirs de Venise qui seule maîtrise cette technique. En 1665 il dépêche à Murano, Jouan, son homme de confiance. Le but est de faire venir des verriers pour fonder une manufacture royale des glaces en France. Mais l’art de fabriquer ces luxueux miroirs est un secret d’État bien protégé et ces artisans ne peuvent quitter la lagune sans risquer leur vie et celle de leur famille. Une rocambolesque « exfiltration » des vénitiens est alors entreprise pour qu’ils associent leur savoir-faire à celui de la manufacture des miroirs de Tourlaville, près de Cherbourg. Prudents, les verriers ne délivrent pas toute leur technique, mais suffisamment pour améliorer les savoirs et créer de grands miroirs. Ces belles plaques seront assemblées par des baguettes de bronze doré, pour offrir au Roi-Soleil une éclatante galerie de miroirs où la cour, les marbres, les ors et les peintures de Le Brun, les jardins et le soleil se reflètent dans un enchantement unique. La plus belle œuvre de Versailles est née d’une appropriation vénitienne.


La musique vénitienne gagne Versailles

S’il n’est jamais venu en France, Antonio Vivaldi y est joué dès 1713 puis à Paris au Concert-Spirituel en 1728. À cette occasion le public découvre Les Quatre Saisons, œuvre qui jouira immédiatement d’une immense popularité. Louis XV, pourtant peu mélomane, s’enthousiasme tout particulièrement pour Le Printemps, qui eut un succès durable et une belle postérité chez les compositeurs français qui reprirent ce thème dans de nombreuses œuvres. En 1725, Vivaldi composa sur commande un Te Deum à l’occasion du mariage de Louis XV, puis pour la naissance des jumelles royales en 1727 la serenata L’Unione della Pace e di Marte (L’Union de la Paix et de Mars) qui sera donnée à Venise près de la Madona del Orto.

Entre temps, le comte de Gergy, ambassadeur de France à Venise fit jouer en 1726 La Senna Festeggiante (La Seine en fête). Dans le livret, l’Âge d’Or et la Vertu cherchent un refuge et le trouvent sur les bords de la Seine, où la douceur et la paix règnent sous les auspices du jeune roi. Officiellement c’est une célébration du mariage royal tout récent (1725), qui est ainsi donnée lors de l’entrée de l’ambassadeur dans la ville. Cela coïncide aussi avec l’arrivée du cardinal Ottoboni, francophile avéré que l’on flatte en musique. Quoiqu’il en soit, Vivaldi fait un hommage à la royauté et au style musical français dans certains passages. Les compositeurs parisiens ne seront pas en reste dans cet aller-retour d’influences.


Nicolas Chédeville, professeur de musette pour les filles de Louis XV à partir du début des années 1750, saura adapter des ariettes de Vivaldi et d’autres maîtres italiens dans ses compositions. Il crée « Le Printemps, ou les saisons amusantes, concertos d’Antonio Vivaldy, mis pour les muzettes et vielles avec accompagnement de violon, flûte et basse continue ». On se plaît à imaginer les princesses de la famille royale jouant dans leurs appartements de Versailles cette adaptation des mélodies vivaldiennes dans un style à la mode campagnarde qui est alors en vogue à la cour.


Si l’on peut regretter que la couronne française n’ait point fait venir Vivaldi, en 1737 une star des opéras produits à Venise passe à Versailles. Carlo Broschi parcourt l’Europe sous le nom de scène de Farinelli. Tout le monde se l’arrache. Sa présence à l’affiche est une garantie de salle comble, de succès, et de pamoisons chez les auditrices. Le célèbre castrat est en route pour l’Espagne où, il ne le sait pas encore, il s’apprête à passer 20 ans comme chanteur auprès du petit-fils de Louis XIV, Philippe V. Pour l’heure, Farinelli, chanteur vedette de Venise et des opéras de Vivaldi, va régaler le salon musical de la très mélomane Marie Leszczynska. Louis XV lui offrira en gage de son contentement son portrait paré de diamants ; hommage d’une valeur de 500 louis mais modestement apprécié par le chanteur qui s’attendait à bien plus.


Le Molière vénitien devenu professeur d’italien

Le vénitien Carlo Goldoni fut le réformateur du théâtre italien. Il voulut purger les comédies des grosses farces aux ficelles usées jusqu’à la corde mais il ne put mener à bien son entreprise devant la résistance des troupes attachées à leur jeu suranné. Las des cabales du comte Gozzi qui veut régenter le théâtre local, ce Molière vénitien accepte de quitter sa ville en 1762 pour prendre la direction du Théâtre italien de Paris.


Affable et naturel, on entend son accent dans les couloirs et les antichambres des filles de Louis XV, car depuis 1765, Goldoni leur donne des leçons d’italien. Il n’est pas exclu que le léger zézaiement du parler vénitien se soit alors transmis au sein de la cour, ajoutant une épice locale à la diction de l’italien. Dans un temps où les cités-État, les duchés et villes indépendantes étaient nombreuses, l’unité territoriale comme l’unité de langue était loin d’être réalisée. Le vénitien prit donc le pas chez les filles de Louis XV. Par sa bonhommie, l’homme de théâtre gagne les faveurs du cercle des princesses, qui le reçoivent dans leurs appartements, au-delà des leçons, lors des parties de jeux et des fêtes. Un jour, venant de Paris pour donner sa leçon à Madame Adélaïde, il perd momentanément la vue. Il souhaite donner son cours comme à l’accoutumée mais ne voit vraiment plus rien. La princesse s’affole, demande tous les secours possibles et lui verse elle-même des gouttes sur les yeux. L’anecdote mentionnée dans Les chefs-d’œuvre dramatiques de Charles Goldoni édité en français en 1800, illustre la sympathie que suscitait l’Italien. Heureusement, cet incident fut bref. Faisant son chemin à la cour, entraîné par l’effervescence des préparatifs des spectacles donnés en mai 1770 pour les noces du dauphin et de l’archiduchesse, Goldoni se met à écrire. Il imagine une pièce sur le thème du mariage où un oncle décide de venir en aide à sa nièce en la mariant. Rustre au grand cœur, il est Le bourru bienfaisant. Délicat titre et charmant sujet pour un mariage ! La pièce sera finalement dédiée à Madame Adélaïde et jouée le 4 novembre 1771 à la Comédie-Française par les grands comédiens du moment comme le couple Préville et Boutet de Monvel.


Où que se pose notre regard, les reflets de Venise sont nombreux et toujours vivaces à Versailles. Ils témoignent de la fascination pour une culture vénitienne qui était alors à son apogée au moment où la France devenait elle aussi une nouvelle référence pour les arts, nourrie et irriguée par Rome, Florence et Venise. Pour nos souverains l’étonnant système politique d’une République oligarchique étonnait autant qu’il fascinait par sa longévité, son expansion et ses richesses accumulées. Les trésors de la Sérénissime scintillent au long de son Canal Grande, et depuis toujours les regards s’illuminent dès que l’on évoque Venise… émerveillement que suscite également Versailles, dans une juste admiration et un bel effet miroir.


1• Espace transformé au xviiie siècle pour créer le cabinet de la Vaisselle d’or, la bibliothèque de Louis XVI et la salle à manger aux Salles neuve.


2• Bateau de parade richement sculpté et doré, utilisé lors d’entrées officielles à Venise et pour les régates.


Charles Le Maistre voyage en compagnie du duc de Brissac en 1664

« Le jour de notre départ de Venise étant arresté, nous allasmes prendre congé de M. L’Ambassadeur que nous trouvasmes occupé de faire emballer un très beau tableau, qui estoit des Noces de Cana (sic, en réalité Le repas chez Simon) que le roi avait acheté des Servites, et ce que la République ne voulut pas souffrir, aïant deffendu à ces moines … de le livrer, ne voulant pas permettre qu’on enlevast de chez elle des pièces de cette conséquence, et que cela iroit à dépouiller la République des ouvrages les plus précieux, au rang desquels on pouvait mettre ce tableau… Quoy que la République en usast ainsi, en ne permettant pas que cette pièce fust vendue, elle ne laissa pourtant pas de traitter le Roy avec une honnesteté singulière, en luy envoïant pour présent ce tableau, dont elle ne voulut pas qu’on prist de l’argent. »

Charles Le Maistre, Voyage en Allemagne Hongrie et Italie 1664-1664.


Les Divertissements de Versailles, 1674, troisième journée

« Après la collation qui fut très magnifique, Sa Majesté étant montée sur le canal dans des gondoles superbement parées, fut suivie de la musique des violons et des hautbois qui étaient dans un grand vaisseau. Elle demeura environ une heure à goûter la fraîcheur du soir et entendre les agréables concerts des voix et des instruments qui, seuls, interrompaient alors le silence de la nuit qui commençait à paraître. » récit par André Félibien des fêtes données au retour de la conquête de la Franche-Comté.


Louis XIV en 1660 vu par l’ambassadeur Giovan Battista Nani

« Âgé de vingt-trois ans, au physique très agréable, de grande et harmonieuse taille, aux cheveux noirs et au visage empreint de majesté et de noblesse ; si la Fortune n’en a pas fait à sa naissance un grand roi, il est certain qu’elle l’a doté de qualités excellentes et très dignes […] il est très pieux, ses mœurs ne sont en rien dissolues, son esprit est très droit, et il est très enclin à la guerre. »


Un Vénitien à Versailles : Casanova raconte l’attentat de Damiens

L’aventurier cherche à rejoindre Bernis, connu à Venise, le 5 janvier 1757 et écrit : « Je vais au Pont-Royal, je prends un cabriolet et j’arrive à Versailles à six heures et demie. Mésaventure ! nos équipages s’étaient croisés en route, et le mien de fort mince apparence n’avait point arrêté les regards de son Excellence. M. de Bernis était retourné à Paris[…] je me disposais à retourner sur mes pas. Je remonte dans ma voiture, mais arrivé à la grille, je vois une foule de monde, courant sans ordre de tous les côtés et avec des signes de la plus grande confusion, et j’entends crier à droite et à gauche : “Le roi est assassiné ! on vient d’assassiner le roi !” Mon cocher effrayé ne pense qu’à poursuivre son chemin ; mais on arrête la voiture, on me fait descendre, et on me fait entrer dans le corps de garde, où je vois déjà du monde, et en moins de trois minutes nous étions plus de vingt personnes arrêtées, toutes très étonnées de l’être et toutes aussi coupables que moi. Je ne savais que penser, et ne croyant pas aux enchanteurs, je croyais rêver […] cinq minutes après un officier entra, et, après nous avoir fait poliment des excuses, il nous dit que nous étions libres. “Le roi est blessé, nous dit-il, et on l’a porté dans son appartement. L’assassin que personne ne connaît est arrêté. On cherche partout M. de la Martinière.” »

 
 
 

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