Lorsque Molière jouait à Versailles
- mikaelamonteiro11
- Mar 30, 2024
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L’insigne honneur de se produire devant le roi est une chance enviée, mais redoutable. Les délais de création sont brefs et les conditions d’exécution, dans des espaces peu appropriés, font de ce moment extraordinaire un exercice périlleux. Jouer à la lumière du Roi-Soleil n’est pas sans risques même s’« Il vaut mieux s’acquitter mal de ce que [les rois] nous demandent que de ne s’en acquitter pas assez tôt ; et si l’on a la honte de n’avoir pas bien réussi, on a toujours la gloire d’avoir obéi vite à leurs commandements » (L’impromptu de Versailles).
Par Fabrice Conan, historien de l’art

Lorsqu’après plus de dix années en province, Molière retrouve Paris, il y reçoit une protection prestigieuse en la personne du frère de Louis XIV. L’Illustre Théâtre devient la troupe de Monsieur. En octobre 1658, la salle des gardes du palais du Louvre est transformée en théâtre où les comédiens jouent pour la première fois devant le roi dans Nicomède. Si la reprise de la pièce de Corneille est accueillie froidement, la soirée se termine avec une comédie, Le docteur Amoureux, qui soulève davantage d’enthousiasme. Selon l’usage, on ne joue pas une pièce seule : tragédie, vaudeville, comédie se suivent lors d’une soirée fort longue avec divers entractes – moments de sociabilité très appréciés.
De retour à Paris, l’entourage royal protège Molière
L’essentiel est accompli, Molière est désormais connu par le roi et les premiers gentilshommes qui programment les spectacles pour Sa Majesté. À partir de 1662, il fait partie des intervenants appréciés à la cour et dirige la Troupe du Roi dès 1665.
La charge de tapissier ordinaire de la maison du roi, héritée de son père, a permis à Poquelin de se familiariser très tôt avec le fonctionnement de la cour et ses subtils rouages. Sans être un intime du souverain, Jean-Baptiste connaît de l’intérieur les arcanes de la cour. S’il a été « tapissier malgré lui », cette charge, d’abord honnie, lui donne alors des clés pour réussir. Son talent n’a plus qu’à faire le reste pour le hisser au parnasse des comédiens.
Les années 1660 marquent un temps heureux du règne. Louis est jeune, bénéficiant de l’aura du début de son règne personnel après la mort de Mazarin. Il a belle allure, est brillant et séducteur, enchaîne les conquêtes galantes avant d’entamer quelques années plus tard les conquêtes militaires. Il entend profiter de la vie, de ses voluptés et de ses amusements. Sensible aux arts du spectacle, lui-même est monté sur scène dès sa jeunesse, pour raisons politiques ; le roi, qui a incarné le soleil dans un ballet mémorable, apprécie les charmes des spectacles. Le foisonnement des ballets, des comédies et des concerts demande une réunion de talents divers, et Molière sait se rendre indispensable dans cette période d’abondantes demandes scéniques.
Comédien, directeur de troupe et auteur, il unit les savoir-faire. Grâce à une capacité de travail, une résistance et une créativité hors du commun, il peut répondre en peu de temps aux sollicitations. Molière le créateur a une force de frappe exceptionnelle ! Et c’est là tout ce qui va plaire aux Menus-Plaisirs qui ont en charge l’organisation des fêtes royales.
Les festivités sont souvent demandées au dernier moment. Une fois le séjour décidé dans un lieu, il faut agrémenter les journées, donner envie à la cour de rester auprès du roi. C’est par les divertissements, tout autant que par l’autorité, que Louis XIV tient sa cour auprès de lui. Spectacles, ballets, illuminations, collations et théâtre sont autant d’ingrédients pour un filtre de séduction qui opère sur les seigneurs. La soumission par l’éblouissement face à la majesté royale est une stratégie de gouvernement. Versailles est l’instrument de cette magnificence.
Premiers pas à Versailles
À cette époque, le Versailles de Louis XIII n’a reçu que peu de modifications, et reste encore un « château de cartes ». Louis XIV regarde le domaine comme lieu propice aux délassements. Pour donner du brillant aux séjours, les spectacles sont mandés et exécutés promptement, car le Roi-Soleil prendrait ombrage de ne pas être satisfait dans ses désirs de comédies ! « Le moyen de s’en défendre, Quand un roi me l’a commandé ? » rappelle Molière dans son Impromptu de Versailles, monté à la hâte pour le séjour versaillais du 11 au 23 octobre 1663. Heureusement, l’auteur a dans ses tiroirs des scènes, des situations, des enchaînements de répliques prêts pour de futures créations. Ses comédiens ont l’habitude de travailler ensemble, ce sont des gens de l’art rompus à cet exercice. Ils savent broder sur une trame parfois un peu lâche, improviser sur un canevas à peine dessiné, reprendre des tournures et des répliques qu’ils ont en tête. Mais cette fois, tout va tellement vite. Comment s’en sortir ? Justement ce sera le sujet : la troupe affolée par l’injonction de jouer se presse autour du dramaturge. Sauvés par le roi qui repousse le spectacle, entre temps ils auront exposé les rôles et les angoisses de chacun.
Molière a su répondre au souhait royal, son aura en est confortée. Lors de ce séjour, Don Gracie de Navarre, Sertorius, L’École des Maris, Les Fâcheux, Le Dépit Amoureux, sont aussi joués au château dans un véritable marathon Molière !
Molière l’incontournable
Ses capacités d’organisation, à fédérer les équipes, à répondre aux attentes du roi, rendent Molière essentiel à toutes les soirées. Plus encore, il a su comprendre ce qui enthousiasme le roi : un mélange des arts avec musique, danse et comédie. C’est un genre nouveau qu’il expérimente en association avec un compositeur, l’autre Baptiste : Lully. Tous deux se complètent magnifiquement, avec un sens aigu de la mise en scène et de l’action. En musique comme en vers, en moins d’une dizaine d’années, ils portent sur scène un genre novateur : la comédie-ballet, embryon joyeux de la tragédie-lyrique. Flatter le penchant du roi pour la danse en intercalant des pièces chantées et dansées, au cours de l’intrigue, a été une brillante idée – quitte à juxtaposer artificiellement deux histoires sans lien. La féérie du spectacle, la richesse de la production, le merveilleux font passer les incohérences décousues. Lully et Molière conjuguent ainsi leurs talents et peuvent rapidement répondre aux demandes royales.
Le tandem se retrouve à Versailles pour une ambitieuse série de soirées réunies sous le titre des Plaisirs de l’Île enchantée entre le 7 et le 13 mai 1664. Molière élabore les parties scéniques de ce divertissement, depuis le défilé ouvrant le festin du premier soir, jusqu’aux pièces montées pour l’occasion
La trame imaginée par le premier gentilhomme de la Chambre, le duc de Saint-Aignan, projette les spectateurs dans une fantaisie médiévale : Roger et ses chevaliers, en route vers la croisade, sont retenus par les charmes de la magicienne Alcine. Elle les envoûte et leur donne festins et jeux.
La deuxième soirée illustre ces enchantements sur une scène apparue comme par magie au cœur des perspectives du jardin. Là est dressé un théâtre paré de colonnes en marbres (factice), de tapisseries, scintillantes par la lumière répandue en abondance. Le lieu est spectaculaire et exceptionnellement malcommode : jouer dans une étendue vaste où rien ne renvoie le son vers les spectateurs, occuper un cadre de scène immense… les difficultés se multiplient pour les comédiens, les chanteurs et les musiciens.
Par chance, l’équipe Molière-Lully est rompue à ces conditions périlleuses ; les artistes donnent la Princesse d’Élide, œuvre composée pour la circonstance, et la magie opère. Le site enchanteur ajoute à l’émerveillement général d’une foule de plusieurs centaines d’invités venus spécialement de Paris. Ils seront récompensés des heures de trajets rendues infernales par les embarras de circulation. Le soir suivant, l’incroyable feu d’artifice embrasant les cieux et détruisant le décor du palais de la redoutable magicienne, dans une profusion de fusées et de flammes, font une scénographie unique.
Le volet historico-galant de la fête ayant pour argument la magicienne Alcine se referme, mais le roi souhaite profiter de la saison propice aux festivités (il maîtrise tout en son royaume, même les éléments, diront les thuriféraires), aussi les journées se prolongent-elles.
Le 11 mai, Les Fâcheux, comédie créée à Vaux lors de la trop fameuse soirée offerte par Nicolas Fouquet à son roi, en 1661, est reprise avec quelques modifications. Les caractères humains envahissants sont raillés. Il est à noter que Louis XIV a suggéré d’égratigner Soyécourt qui ennuie ses interlocuteurs avec force bavardages et digressions. Jamais un patronyme n'a été aussi mal porté ! Le roi deviendrait presque co-auteur ! L’aimable attaque des importuns ne prête pas à conséquence, et l’humeur de la pièce reste légère. La joie de retrouver ce qui a été la première comédie-ballet de l’Histoire l’emporte.
Il en sera tout autrement lors de la soirée du 12 mai. Le roi a insisté pour voir une pièce dont la cour bruisse depuis plusieurs semaines. Bien qu’inachevée, elle est donnée en trois actes au lieu des cinq prévus. La Compagnie du Saint-Sacrement de l’Autel, société secrète dans la mouvance jésuite, a eu vent de l’intrigue et de la charge contre les faux dévots. Molière, assuré de la bienveillance royale, se croit autorisé à prendre de nouveaux thèmes et à attaquer les travers moraux des grands personnages. Tant qu’il était question de médecins charlatans, de traits généraux, Poquelin était plaisant. Mais ce soir, à Versailles, avec le Tartuffe, Molière prend un tournant moral et politique. Il s’attaque à la religion, aux gens du monde. Aussitôt, il est malmené par les puissants dont on expose la fausseté. Il pensait qu’au faîte de sa renommée, protégé par le roi, il pouvait dépasser sa position d’organisateur des réjouissances et devenir philosophe. C’était sous-estimer les réseaux de la cour de France. Les Plaisirs de l’Île enchantée marque le moment de la plus grande faveur de Molière auprès du roi, mais aussi une déclaration de guerre de certains grands du royaume réunis dans un parti dévot agissant autour de la reine mère Anne d’Autriche.
Le roi garde son estime pour Molière, ne le désavoue pas et assiste volontiers à la représentation du lendemain, le 13 mai, pour une reprise du Mariage Forcé, mêlée de ballets et de récits adaptés pour ce jour. Toutefois, après cette pièce audacieuse, la dynamique souriante de l’ascension de Molière vient de se briser à Versailles.
Le roi n’est pas dupe de sa cour, il en rit de bon cœur, seulement c’est un homme d’État et il ne peut voir contrarier l’image d’un règne chrétien – qu’il assombrit lui-même par ses frasques amoureuses et ses nombreuses maîtresses. Molière avait quitté sa place d’aimable amuseur, sans penser qu’autour du roi, tout est ordre et convention, respect immuable des attributions. Poquelin-Icare a trop fièrement côtoyé le Soleil… il s’est brûlé.
Par la suite il écrit sur un mari ladre nommé Dandin, un Avare, un Bourgeois Gentilhomme, prototypes universels qui risquent moins de recevoir les foudres jupitériennes. Tartuffe ne sera redonnée qu’en 1669, dans un climat religieux plus apaisé, et sous un pouvoir royal devenu incontestable.
Après cet épisode, Molière a été malmené mais non répudié. L’année suivante, le 13 juin 1665, la troupe est mandée à Versailles pour y jouer La Coquette ou Le Favori, tragi-comédie de Madame Desjardins qui ne remportait pas grand succès à Paris. Afin d’étoffer le spectacle pour une soirée royale, Lully compose une grande symphonie d’ouverture, des ballets et des entrées ; Molière, lui, ajoute des extraits du Mariage Forcé et de La Princesse d’Élide. C’est un aveu public de confiance que Louis donne à Jean-Baptiste, et de nouveau, cette estime se concrétise à Versailles.
Quelles scènes au château et dans le parc ?
Les spectacles les plus importants, nécessitant machineries et grands effectifs scéniques, sont bien connus et documentés par des gravures. À chaque fois, ce sont des salles temporaires montées dans les jardins, au cœur des allées, sur des carrefours du parc. Lorsque les pièces sont plus traditionnelles, sans nécessiter machines et décors, les relations nous parlent de représentations au château, dans l’appartement du Roi, malheureusement avec un certain flou sur l’emplacement exact. Toutefois, par recoupements, on peut trouver une correspondance avec le vestibule central du rez-de-chaussée du petit château primitif. N’oublions pas que les agrandissements louis-quatorziens ne sont pas encore aboutis lorsque Molière vient à Versailles. C’est donc le château-vieux qu’il a connu.
Dans la pièce d’entrée, qui était grande sans être vaste, on note des travaux effectués par Denis Buret « pour avoir fait de neuf deux théâtres portatifs » payés en février et avril 1664 la somme de 1 020 livres. Dans son livre sur la Naissance de Versailles, Alfred Marie rappelle cette mention, et l’associe avec le texte de Mlle de Scudéry qui fait remarquer cette salle peinte et dorée avec deux cheminées, lieu « très commode pour la comédie, le théâtre est dans un des enfoncements et les violons dans l’autre, sans embarrasser l’assemblée et on y donne le bal quand on veut, en fermant ces deux enfoncements par un lambris qui se met et s’ôte facilement… » (La promenade de Versailles, 1669). Le lieu est effectivement le plus simple à aménager et apte à recevoir une assistance choisie.
Notre roi passionné de spectacles et notre cher auteur ne verront jamais une grande et belle salle de spectacles, se contentant d’aménagements éphémères dans les jardins, dans la Grande Écurie et, après l’installation de la cour à Versailles, d’une petite et malcommode salle de comédie (à l’emplacement de l’actuel passage des Princes). Ainsi, le 14 septembre 1665, la troupe représente l’Amour Médecin, variation sur le Médecin Volant qui venait d’être joué et repris avec des impromptus pour fêter une rémission – courte – du cancer de la reine mère et pour égratigner de nouveau les médecins, comme l'écrit Georges Forestier dans un sens de l’opportunité très affuté !
De nouveaux éclats pour un Grand Divertissement Royal
C’est sous ce titre qu’en 1668 Versailles est de nouveau choisi pour des réjouissances. Louis XIV célèbre la campagne éclair et ses victoires militaires grâce auxquelles il se rendit maître de la Franche-Comté. Le château n’ayant toujours pas été suffisamment agrandi, c’est encore le jardin qui sert d’écrin, avec des salles temporaires imaginées par les Menus-Plaisirs. Le 18 juillet, après une collation donnée dans le parc, la cour découvre dans un carrefour (qui deviendra le bassin de Saturne) la salle ornée de tapisseries fournies par le Garde Meuble. La scène, large de douze mètres, est encadrée par les statues de La Paix et de La Victoire, rappelant les récents triomphes du roi. Implanté par Carlo Vigarani, maître machiniste qui avait créé les salles précédentes, l’espace est salué par le public pour sa grandeur, sa beauté, ses effets de marbre et de lapis-lazuli, et son impressionnante capacité de 1 200 places en gradins.
On y donne Les Fêtes de l’Amour et de Bacchus, pastorale nouvelle, sortie de l’imagination féconde de Molière et de Lully. La comédie de George Dandin ne fait que trois actes. Aussi pour étoffer la soirée, des intermèdes chantés et dansés y sont associés. Le spectacle devant être monté promptement, les parties musicales sont sans lien avec l’intrigue théâtrale. Peu importe : tout est plein de verve, de légèreté, les chants sont réjouissants au possible, sur le thème de la chasse, des chamailleries amoureuses, et le final, avec danseurs, comédiens, chanteurs et musiciens, rassemble une centaine d’interprètes. Un tel plateau artistique est impossible à réunir sans un mécénat royal. L’éclat du souverain est mis en lumière par les fêtes qui succèdent aux fracas des armes. Ces divertissements sont des actes de communication politique, valorisant une nation forte qui se permet des dépenses d’éclat au sortir de la guerre. Si seulement ces armes de dissuasion par les arts et les spectacles pouvaient être les seules employées lors des conflits et des rivalités entre États…
Le Grand Divertissement royal sera la dernière prestation spectaculaire de Molière à Versailles. Louis XIV goûte alors aux représentations en musique et aux livrets mythologiques. Avec l’arrivée de la tragédie-lyrique, genre inventé pour le roi de France par le florentin Lully, la magnificence du règne s’expose plus encore et l’opéra magnifie davantage le grand prince. Le 17 septembre 1672, Molière joue à Versailles Les Femmes savantes et, une semaine après, L’Avare. Si le roi l’invite, il ne le défend pas face à Lully qui obtient le privilège pour tout spectacle musical en France. Quelle trahison après tant d’années passées avec Molière à créer des spectacles ensemble ! Son associé se retrouve interdit de toute nouvelle comédie en musique. Molière passe outre, monte Le Malade Imaginaire en 1673, mais meurt après la quatrième représentation. Signe d’un éloignement de la faveur royale, Louis XIV n’a pas assisté à la création de ce spectacle. Signe peut-être d’un regret, un an après, la troupe de Molière est de retour à Versailles.
Lorsque le roi rend hommage à Molière
Le roi n’est certainement pas homme à avoir des remords, mais il est fidèle envers ceux qui ont su le servir. Jean-Baptiste Poquelina a été de ceux qui ont rendu visible sa renommée de protecteur des Arts. À ce titre, la troupe des comédiens du roi – la troupe de Molière – est invitée à se produire au château en 1674 au retour de la conquête de la Franche-Comté (conquise pour la seconde fois). Lors de la troisième journée des Divertissements de Versailles, le 19 juillet, après une collation donnée à la ménagerie, la cour revient au château et assiste à la représentation du Malade Imaginaire devant la grotte de Thétis. Un grand cadre de scène est élevé pour une soirée qui sert d’hommage au génie de Molière. Dix ans plus tard, la grotte est détruite pour laisser place à l’aile Nord du château ; Versailles entre alors dans la grandeur.
Molière a accompagné les heures joyeuses du règne, celles d’un souverain prometteur et conquérant, loin de la fatigue de l’âge et de l’usure du pouvoir. Il devient rapidement l’emblème de ce début de règne et un joyau du patrimoine théâtral français. Les disputes oubliées, on put voir que « La Cour, qui t’honora d’un suffrage éclatant, / Molière, après ta mort, pleure, gémit, soupire : / Si tu nous avois fait moins rire, / Nous ne te pleurerions pas tant. » (1)
1• Épitaphe latine par Huet (1630-1721), évêque d’Avranches, traduite en français dans l’édition des œuvres de Molière en 1725.
L’impromptu de Versailles
« Mon Dieu, Mademoiselle, Les rois n’aiment rien tant qu’une prompte obéissance, et ne se plaisent point du tout à trouver des obstacles. Les choses ne sont bonnes que dans le temps qu’ils les souhaitent ; et leur en vouloir reculer le divertissement est en ôter pour eux toute la grâce. Ils veulent des plaisirs qui ne se fassent point attendre ; et les moins préparés leur sont toujours les plus agréables. Nous ne devons jamais nous regarder dans ce qu’ils désirent de nous : nous ne sommes que pour leur plaire ; et lorsqu’ils nous ordonnent quelque chose, c’est à nous à profiter vite de l’envie où ils sont. Il vaut mieux s’acquitter mal de ce qu’ils nous demandent que de ne s’en acquitter pas assez tôt ; et si l’on a la honte de n’avoir pas bien réussi, on a toujours la gloire d’avoir obéi vite à leurs commandements. »
Le jugement de Félibien
Félibien rappelle pour le divertissement de 1668 des Fêtes de l’Amour et de Bacchus associé à George Dandin que l’Impromptu est « un de ces ouvrages où la nécessité de satisfaire sur le champ aux volontés du roi, ne donne pas toujours le loisir d’y apporter la dernière main et d’en former les derniers traits, néanmoins, il est certain qu’elle [la pièce] est composée de parties si divertissantes et si agréables, qu’on peut dire qu’il n’en a guerre paru sur le théâtre de plus capable de satisfaire tout ensemble l’oreille et les yeux des spectateurs ».
Air d’Ouverture du Grand Divertissement Royal
« Du Prince des Français rien de borne la gloire, / À tout elle s’étend, et chez les nations / Les vérités de son histoire / Vont passer des vieux temps toutes les fictions : / On aura beau chanter les restes magnifiques / De tous ces destins héroïques / Qu’un bel art prit plaisir d’élever jusqu’aux Cieux / On en voit par ses faits la splendeur effacée, / Et tous ces fameux demi-dieux / Dont fait bruit l’histoire passée, / Ne sont point à notre pensée / Ce que Louis est à nos yeux. »
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