Frédéric Nepveu au château de Versailles un architecte au service de Louis-Philippe
- mikaelamonteiro11
- Mar 30, 2024
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Pendant quinze ans sous la monarchie de Juillet, l’élève de Percier et de Fontaine, Eugène-Charles-Frédéric Nepveu mène, en fin connaisseur et avec talent, l’entretien et la transformation du château de Versailles en musée de 1830 à 1848. Par un ambitieux programme politico-artistique, le roi Louis-Philippe, omniprésent, place le domaine sous la tutelle de l’Intendance générale de la Liste civile, un simili de ministère finançant le projet. Tout en recevant ce roi-bâtisseur à 398 reprises, Nepveu consigne pour l’histoire la mutation en musée et le chantier du siècle. L’étude de ce chantier donne l’occasion de mieux connaître cet homme engagé, au caractère bien trempé, tenant tête au roi qui estimait sa loyauté.

Imprégnés des idéaux de la Révolution française et des Lumières, Louis-Philippe et Frédéric Nepveu, de quatre ans le cadet du roi, apprécient tous deux les auteurs classiques dont les ouvrages recouvrent les rayonnages de leurs bibliothèques. Dans sa jeunesse, le duc d’Orléans étudie l’architecture avec sa préceptrice madame de Genlis, qui relève dans son journal les détails de ses visites d’églises. Le carnet de croquis de Louis-Philippe et de ses enfants, conservé aux Archives nationales, reste le témoin du vif intérêt du roi pour les arts graphiques, qui lui donne le goût de la lecture des plans, des détails de coupes et des rapports produits par Nepveu si précieux pour la compréhension du projet muséal versaillais.
Famille et études
Frédéric Nepveu voit le jour à Paris le 14 juillet 1777 dans une famille de maître-maçon dont les origines remontent au xvie siècle. Cela l’amène tout naturellement au métier d’architecte. De son père, Michel Nepveu, architecte juré avant la Révolution française, il apprend la technique de l’édification des hôtels particuliers et l’art de les aménager, activité lucrative. Mais, c’est auprès de son frère, Jean-Charles Nepveu, entrepreneur en bâtiment, que Frédéric fait ses premières armes. Si les fils de ce frère aîné, Marie-Charles Adolphe et François-Eugène, choisissent l’architecture à l’École des Beaux-Arts, Frédéric Nepveu, quant à lui, étudie très tôt le dessin au collège d’Harcourt (actuel lycée Saint Louis dans le 5e arrondissement). Il s’y lie d’amitié avec Louis Hersent, qui peindra en 1863 le rare portrait connu de lui. Les Nepveu sont le reflet de la professionnalisation des métiers du bâtiment et de la scission entre les métiers d’architecte et de maçon qui s’opèrent tout au long du xixe siècle.
Frédéric Nepveu suit chaque étape pour devenir architecte, se formant auprès de maîtres réputés. Le peintre d’histoire Jean-Baptiste Regnault et le paysagiste Jean-Victor Bertin le recommandent pour l’entrée à l’École des Beaux-Arts. De 1804 à 1805, l’élève-architecte suit les cours d’architecture, d’histoire générale et d’histoire de l’art, de mathématiques, de géométrie, et de réalisations de maquettes auprès d’Antoine-François Peyre, en plein travaux au château d’Écouen en 1802, et de Charles Percier, proche de Pierre Fontaine (1). Ces exercices journaliers devaient le préparer au « prix de Rome », dont il ne sera jamais honoré. Loin de renoncer, l’architecte sillonne Rome et l’Italie à ses frais de 1805 à 1809 apprenant du terrain.
De retour d’Italie, Frédéric Nepveu occupe, dès le 1er juillet 1810, la position de contrôleur des bâtiments au château de Versailles, sous la direction de l’architecte Guillaume Trepsat, qui n’apprécie guère son caractère. Il découvre palais et domaine, rédige ces premiers rapports et dessine ses premières esquisses. En charge de l’entretien des deux Trianon, il prépare l’arrivée de la cour impériale, tâche dont il évoquera en 1836 l’aspect formateur pour la suite de sa carrière.
Muté le 1er mai 1811 par le baron Louis Costaz au château de Fontainebleau, il se forme auprès de l’architecte Maximilien-Joseph Hurtault, élève de Richard Mique, grand maître d’œuvre des travaux du château de Versailles sous Louis XVI. Puis en 1815, nommé inspecteur, il est envoyé auprès d’Alexandre Dufour, « un homme de mérite […] un administrateur habile », en charge dès 1817 de Trianon et des écuries selon l’Annuaire du bâtiment et des travaux publics. Appelé ensuite comme architecte en octobre 1821 au palais de Rambouillet, il se voit confier l’entretien des salles du palais par Louis XVIII.
Peu employé à Rambouillet, Nepveu s’attèle à des constructions privées, deux projets de bibliothèques et un opéra en 1814 et 1819 jamais achevés, ainsi qu’aux travaux d’entretien des églises Notre-Dame d’Épernay et Saint-Jean de Troyes (Aube) pour le ministère des Cultes et de l’Intérieur. En 1827, Casimir-Louis-Victurnien de Rochechouart, duc de Mortemart, son ami d’enfance, lui commande l’établissement de pièces au deuxième étage du château de Neauphle-le-Vieux, puis de 1832 à 1840, il crée de nouvelles salles au château de Maintenon pour le duc de Noailles, parallèlement aux démolitions effectuées dans l’aile du Midi à Versailles entamées dès 1834. Tous ces travaux lui permettront de préparer le grand œuvre de sa vie au palais de Versailles, qu’il connaît parfaitement avant même son arrivée en juin 1832.
Architecte principal à Versailles
Maître d’œuvre chargé du chantier des palais de Versailles à la suite d’Alexandre Dufour, Frédéric Nepveu dirige désormais la deuxième division de la direction des bâtiments de la Liste civile. Pour accéder à ce poste, il a bénéficié du soutien, d’une part du duc de Mortemart et de Casimir Perier, président du Conseil des ministres, et d’autre part du roi Louis-Philippe en personne, qui disait de lui que c’était un « bien aimable causeur », ayant lui-même la capacité de disserter en histoire pendant des heures selon les notes du carnet de la reine Marie-Amélie. En vérité, Pierre Fontaine, qui a joué un rôle certain dans sa nomination, le place dans un étau entre les ordres du roi et le goût pour l’expérimentation de certaines techniques architecturales (commodités, ouvertures zénithales) plus encadrées par Fontaine à Versailles. D’ailleurs, une hiérarchie s’établie entre eux. Nepveu se voit confier la majorité des salles, la gestion des entreprises de constructions et la comptabilité des travaux, alors que Fontaine l’aidera dans les espaces plus stratégiques (galerie des Batailles, salle des Croisades) à canaliser et conseiller un roi proactif, toujours insatisfait et insatiable dans ses souhaits expansionnistes concernant le musée, surtout dans l’aile du Midi et du Nord. Avec 398 visites inventoriées, Louis-Philippe dirige en personne et sur place le chantier, ajustant les démolitions ou les décors et initiant les salles à transformer, sans toutefois toucher aux façades de ses aïeux contrairement à ce que projetait vingt ans plus tôt Jacques Gondouin, l’architecte de Napoléon Ier. Le roi savait, par Fontaine, que l’ancien adjoint de Dufour avait pour lui l’expertise et la fine connaissance des bâtiments versaillais. Nepveu appliquera en effet avec fidélité le programme confié par le roi, tout en exposant ses objections dans sa correspondance à sa hiérarchie.
Le « grand bureau avec poêle à colonne » de Nepveu est installé à l’hôtel du Grand Contrôle à Versailles et aménagé de casiers à tiroirs pour les plans, d’une cuisine à tournebroche et de consoles en meubles granités. Une équipe modulable de 140 personnes nécessite un budget de 208 197,56 francs de frais en quinze ans pour établir plans, rapports, contrôles et inspections des chantiers des entreprises. Le 30 novembre 1838, sous la plume de Nepveu, elle se compose d’auxiliaires, de sous-traitants, d’employés administratifs, de dessinateurs et d’experts vérifiant les chiffres à la ligne dans les 9 600 mémoires de travaux, faisant économiser quatre millions à la Couronne sur les chantiers du palais. A contrario, le nombre d’ouvriers varient sur le règne atteignant le millier au cœur 1833 et 1838, le chantier étant alors au sommet de son activité et rencontrant aussi son lot d’impondérables. La pauvreté, relatée dans les Misèrables de Victor Hugo, se lit dans la jeunesse des ouvriers, payés 1 franc par jour (le quart d’un compagnon), aux travaux pénibles et faisant office de « garçons de force ». Sur demande de Nepveu qui le remarque dans ses lettres, le roi prend en charge les décès accidentels et octroie des gratifications aux ouvriers d’art. C’est le concierge Boucheman, apprécié du roi, qui laisse passer les ouvriers et compte les visiteurs dont l’accès est régi par des règlements évoluant au fil du temps. Les Gardes suisses, en livrées et fourreau d’épée, sont désormais les surveillants d’un musée en devenir recevant du public.
Nepveu va quotidiennement coordonner les réunions avec les grands bénéficiaires de la société libérale du roi, les entrepreneurs du bâtiment. Maçons, miroitiers, charpentiers, serruriers-créateur de verrières… 140 entrepreneurs ont été recensés, aux spécialités variées, tous soumissionnés et aux ordres de Louis-Philippe. Recommandés par des élus locaux, par l’architecte du roi et par leurs prédécesseurs, ces entrepreneurs produisent les devis, des mémoires de synthèses composés de relevés quotidiens pour le calcul des activités du chantier, tous visés par la Couronne. L’architecte Nepveu est leur soutien, celui qui dicte avec précision le calendrier des actions, leur intermédiaire pour affirmer leurs revendications sur l’accélération des paiements accusant souvent de 3 à 5 ans de retard. Nepveu incite les entrepreneurs concernés à vivre à proximité en location ou dans des hôtels acquis, en louant eux-mêmes à des compagnons et des ouvriers. Une fois les ordres reçus, Nepveu établit les plans, demandent des devis aux entrepreneurs, informe Godard-Dubuc, directeur des bâtiments, et fait valider le roi lors de ses visites, recensées pour l’histoire dans de minutieux rapports.
Après l’inauguration de 1837, Nepveu s’installe dans le corps principal, face à la cour d’honneur, pour profiter des récentes installations de chauffage. Depuis la place Vendôme, siège de l’Intendance, son supérieur Isidore Godard-Dubuc dirige les dépenses des bâtiments de Versailles, valide les millions dépensés en entretien et en réparations des toitures et des jardins, en vitreries et parquets, laissant cependant à l’intendant Camille de Montalivet (2) et au roi la validation des coûts de transformations des salles en musée et de la main-d’œuvre affectée aux destructions. Pour la forme, il soumet les mémoires à un comité consultatif des bâtiments, composé d’architectes. De ces échanges naissent à l’agence des milliers de plans et de mémoires de travaux, conservés à Versailles, et qui témoignent pour l’histoire du détails des démolitions et des transformations touchant les ailes du palais, jamais atteint depuis Louis XIV. Ainsi, le pavillon de Noailles (aile du Nord) et les appartements de l’aile du Midi sont vidés des planchers, portes et cheminées. Depuis son bureau, l’architecte voit s’amonceler dans les cours du château leurs vieilles charpentes en bois, réemployées à Compiègne, aux Tuileries ou Palais Royal. Elles laisseront la place aux squelettes métalliques de l’ère industrielle, aux fermes métalliques réalisées chez les fondeurs du nord de la France, et qui composent l’armature soutenant les décors à colonne et voussures, les cadres encastrés et les tableaux de tout le palais. De cinq niveaux, le pavillon du roi, ancien « Noailles » passe à trois pour donner de la perspective aux salles des Croisades, lambrissées et peintes d’écussons.
L’aménagement du musée est le fruit d’une succession de projets dont seul le roi aura la clé. Nepveu entretient le domaine pour assurer la subsistance alimentaire (fermes, glacières), l’usage quotidien des chevaux (écuries) et les lieux de sûreté (grilles, clôtures, maisons de gardes et maisons militaires). L’architecte va moderniser le chauffage, en créant un chauffage central passant par les murs depuis les fourrières jusqu’aux salles. Retirant les charpentes en bois, il développe l’éclairage zénithal, armature en fonte et verre assemblée par les entreprises Mignon : galerie des Batailles, attiques du Midi et de Chimay mais aussi salles d’Afrique vont ainsi en être dotés entre 1836 à 1845. Pour rétablir les spectacles des Grandes Eaux, surtout à l’inauguration de juin 1837, Nepveu redessine le réseau des canaux et des fontaines. Il fait réaliser par les fontainiers et maçons le remplacement des tuyaux en fonte, le curage des étangs et la maçonnerie de réservoirs et pièce d’eau, dont celle des Suisses en 1842.
De Nepveu, le maître d’ouvrage Louis-Philippe exige un parcours muséal monté rapidement, qui nécessite la réalisation d’escaliers en marbres, fer forgé ou stucs permettant l’accès aux attiques afin de disposer du maximum d’espaces possible pour ses tableaux (escaliers des Princes, escaliers des Ambassadeurs – appelé aujourd’hui escalier Louis-Philippe – et grand escalier du Nord – appelé aujourd’hui escalier Questel suite à sa reconstruction par cet architecte). Frédéric Nepveu et Alphonse Cailleux insèrent les tableaux et aménagent les sculptures choisis par le roi Louis-Philippe et commandés à grand frais auprès de centaine d’artistes de son temps. Le musée organise l’accueil du public, aménageant des balustrades en fer verni devant les tableaux, encastrant désormais les toiles dans le décor des murs, selon le souhait de la direction des musées royaux et de la direction des Beaux-Arts du ministère de l’Intérieur. Le musée naquit de ces travaux et c’est l’œuvre de ce grand architecte de l’avoir mis en musique. Dans un parcours chronologique peu commun, dédiées « à toutes les gloires de la France », les victoires françaises et les généraux s’enchaînent de salle en salle, reflétant la permanente mutation du projet royal, presque lié à l’actualité. Ainsi, en 1834, les salles Empire et la salle Marengo, initialement envisagées pour devenir une galerie des grandes victoires, devaient être un montage scénographique provisoire. Le roi jugea que les salles n’étaient pas assez impressionnantes et décida de détruire les deux niveaux supérieurs de l’aile du Midi pour y installer de 1835 à 1837 la salle 1830 et la galerie des Batailles. Cette dernière, rappel de la Grande Galerie du Louvre avec ses colonnes atypiques, est le fruit de la concurrence entre Fontaine et Nepveu. Les salles du corps central, conservées dans leur taille d’origine, accueillent les salles révolutionnaires, et les nombreuses salles de portraits de généraux et maréchaux, alors que l’ancienne salle des Cent-Suisses devient la salle 1792, une des salles fétiches du roi, celles dédiées aux batailles révolutionnaires à Jemmapes et Valmy, aux idées des Lumières avant son exil. Enfin les salles d’Afrique sont décorées par Horace Vernet, son peintre préféré, le mieux doté du règne, logeant dans un appartement à la Grande Écurie et disposant à partir de 1840 de la salle du Jeux de Paume pour peintre à loisir les monumentales fresques des batailles d’Afrique. Ses salles, à savoir celles de la Smalah, de Constantine, du Maroc, seront doublement symboliques après la mort de son fils Ferdinand-Philippe, qui avait combattu en Afrique. Montrant la force de la France à l’Europe entière, elles deviendront également un mémorial à son héritier disparu tragiquement en 1842.
Les honneurs perdus, un sens au projet de musée
Le musée du château de Versailles accueille de 1837 à 1848 près de 4 millions de visiteurs dans le palais, autant parler d’un énorme succès ! Certainement bien plus encore les jours de fêtes et les week-ends dans les jardins restaurés. Les Grandes Eaux éblouissent des milliers de bourgeois enrichis par la politique libérale du monarque, venus en train depuis Paris pour 2 francs le ticket par personne. Les hôtes de marque s’arrêtent aussi au château pour voir le musée. La reine Christine et la mère de la jeune reine Victoria, la duchesse de Kent, ont les honneurs du roi et visitent la totalité des salles du musée le 27 novembre 1840 et le 3 mai 1844, ainsi que le raconte Frédéric Nepveu : un dîner de 50 à 60 couverts est servi à chaque venue dans la grande galerie pour les uns et la galerie Louis XIII pour les autres. D’érudits comme le peintre Peter von Cornelius, directeur de l’Académie des Beaux-arts de Munich, au gendre de Louis-Philippe, Léopold Saxe-Cobourg, futur roi des Belges, ou encore à l’espion prussien Alexandre Humboldt, le château est autant le territoire des diplomates, que du grand public, l’ouvrant à son nouveau rôle patrimonial et culturel.
Quant à l’artisan du chantier, Frédéric Nepveu, décoré en 1834 de la Légion d’honneur, il n’aura jamais les honneurs d’accéder aux grandes académies, emporté par les troubles de la Seconde République et de l’Empire. Après avoir accueilli son successeur Émile Leblanc le 15 mars 1848, il est relevé de ses fonctions, sommé de quitter ses appartements du Grand Contrôle tout comme Isidore Godard-Dubuc, remplacé par son adjoint Desmarest, partisan de la République. Frédéric Nepveu s’installe au rez-de-chaussée du 13 place d’Armes (actuel 13 rue Colbert) dont les fenêtres donnent sur la façade et la chapelle du château qu’il a contribué à restaurer. Dès lors, le riche bourgeois reçoit les anciennes personnalités du règne de Louis-Philippe, ici Jules Janin dont témoigne cette lettre de novembre 1850. Nepveu venait d’assister aux funérailles du roi à Claremont House (Royaume-Uni), montrant ainsi s’il fallait encore le démontrer sa loyauté sans faille.
Nepveu a su matérialiser les desseins du roi Louis-Philippe et faire du somptueux palais de Louis XIV, un musée ouvert à tous, dessinant le rêve très personnel du roi d’une nation fière, glorieuse et unifiée… La révolution de 1848 balaye le régime tout en conservant pour l’histoire la notion emblématique et post-révolutionnaire de la patrimonialisation d’un lieu de mémoire.
1• Sous la monarchie de Juillet, il est l’architecte de la première division du Louvre et des Tuileries, ainsi que des bâtiments de la Liste civile.
2• Deux autres personnalités seront brièvement intendant général de la Liste civile, le baron Agathon Jean François Fain et Pierre-Marie Taillepied, comte de Bondy.
Lettre de Nepveu à Jules Janin
« Versailles, le 1er octobre 1850. Cher Monsieur. Au retour de quelques jours passés au dehors de Versailles à chercher quelques distractions à mon dernier voyage à Claremont ; je trouve en rentrant un bon petit mot de vous avec l’espérance d’une bonne visite Place d’armes à Versailles n° 13. Mais c’est moi maintenant qui vous demande la permission de vous prendre au mot, et de vous inviter de la part de M. Nepveu et la mienne à venir avec Madame, diner avec nous, à 5h. 5h ½ dimanche prochain 6 courant jour anniversaire de la naissance du roi que nous venons de perdre. J’espère vous réunir à quelques bons serviteurs ou amis d’un Prince qui victime d’une immense ingratitude, n’a pas eu pendant deux années et demi du plus dur exil une seule pensée qui ne fût pour le bien et le meilleur à venir de la France et qui vient de terminer la longue et laborieuse carrière, non seulement avec le calme d’une âme sans reproche, mais encore avec cette sérénité d’esprit, cette bonté de cœur sui ne peuvent appartenir qu’à cette intelligence d’élite qui jugent de bien haut toutes ces infinités, et nous compissent jusqu’au dernier moment sans laisser échapper ni plainte, ni rancœurs inutiles. Mais je reviens, Monsieur, à notre invitation. Veuillez faire à Madame Nepveu et ainsi bonne et prompt réponse ainsi que Madame s’il fait beau temps et que vous veniez de bonne heure vers les deux heures, nous mettrons votre temps à profit pour une promenade à Trianon ou au Palais ; et s’il fait mauvais temps et vous réussissiez que tard, pour quelques détails de nos travaux qui ne seront sans intérêt pour vous, Monsieur, qui avez tout à la fois le bon esprit d’être indulgent et celui si heureux de pouvoir rendre avec autant de futilité que de vivacité les bonnes et abondantes idées qui vous assaillent le cœur, quand une digne occasion se présente. Sur bon petit mot affirmative et vous aurez fait, cher Monsieur, la conquête complète de votre dévoué serviteur. / Frédéric Nepveu »(1er octobre 1850, coll. part.). Cette lettre inédite complète une lettre qu’il fit à son épouse suite à leur visite chez les Nepveu : « Ah ! la belle et grande maison ! ou plutôt, les gens de Versailles n’habitent pas des maisons, ils habitent des Palais ! » (Jules Janin, 735 lettres à sa femme, Paris, C. Klincksieck, 1973, t. I, p. 562).
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