De quelques tableaux chez deux courtisans de Versailles
- mikaelamonteiro11
- Apr 6, 2024
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Si le château de Versailles est en lui-même une œuvre d’art complète, conservant en son sein les plus belles collections royales, on ignore que certains courtisans des xviie et xviiie siècles, amateurs éclairés, conservaient eux aussi de très grands chefs-d’œuvre qui aujourd’hui trônent dans les musées nationaux et internationaux.
Par Mathieu da Vinha, directeur scientifique du Centre de recherche du château de Versailles

Versailles, on le sait, n’avait pas comme vocation première d’accueillir tous les courtisans. Après le relais de chasse de Louis XIII, son statut évolua au gré des envies de son fils Louis XIV pour passer de résidence de plaisance à celle de la Cour et du gouvernement à partir de 1682. Si ce château moderne offrait plus de commodités que les anciens palais de la monarchie, les logements des courtisans, à l’exception de ceux des princes et princesses de la famille royale, restaient toutefois relativement petits au regard des hôtels particuliers qu’occupaient généralement les titulaires de charges commensales importantes. Ce n’est donc pas dans ces espaces « réduits », pas toujours très appropriés, que l’on s’attendrait à trouver des œuvres d’art, généralement exposées dans leur hôtel ou résidence à Paris (on pense au jardinier André Le Nôtre, au comte de Caylus, etc.), voire de véritables cabinets artistiques que certains courtisans avaient pu constituer. Notre propos, dans cet article, n’est qu’une première esquisse à travers deux exemples, mais une analyse précise des inventaires dressés chez les courtisans à Versailles ne devrait pas manquer de révéler de nouvelles découvertes quant aux tableaux et autres objets d’art possédés par les habitants du château.
Denis Moreau
En premier lieu, on pense à la collection de Denis Moreau (ca. 1630-1707), sans doute l’une des plus emblématiques du règne de Louis XIV (1), mais finalement assez méconnue dans la mesure où seule la duchesse d’Orléans l’évoque aussi explicitement dans sa Correspondance en mars 1702. La belle-sœur du roi mentionne dans une lettre à sa tante la duchesse de Hanovre qu’elle est montée, par curiosité, voir les « quatre petites chambres » occupées par Moreau. C’est le marquis de Dangeau qui nous renseigne sur cet espace lorsqu’il écrivait dans son Journal à la date du 17 novembre 1701 : « Le duc de Gesvres, dont la santé ne lui permet guère de venir ici et encore moins, quand il y est, de monter à son appartement, qui est fort haut, le rendit au roi auparavant qu’on allât à Fontainebleau ; le roi l’a donné à Moreau, premier valet de chambre de monseigneur le duc de Bourgogne. » Malgré sa « hauteur », ce logement (portant le n° 68 selon la nomenclature de l’Ancien Régime) était fort bien situé puisqu’il occupait exactement l’espace d’attique au-dessus de l’antichambre du Grand Couvert de la Reine et qu’il était pourvu de trois fenêtres ouvrant sur le parterre du Midi. Il avait une surface d’environ 135 m2 au sol, sans compter les pièces en entresol… La visite de la duchesse d’Orléans, la Palatine, ne fut pas vaine (voir encadré), et elle fut saisie par la qualité des pièces qu’elle découvrit. Au-delà des chefs-d’œuvre, une partie de la collection semblait vouloir raconter l’histoire de France – depuis le règne de François Ier jusqu’à celui de Louis XIV – en rassemblant tout ce qui concernait les rois et leur famille, les héros militaires ainsi que les portraits des différents artistes et hommes de lettres, à l’instar de ce que fera plus tard, certes à une échelle bien plus importante, Louis-Philippe avec son musée dédié « à toutes les gloires de la France ».
Si Madame Palatine a paru très impressionnée par ces pièces artistiques, elle ne nous renseigne malheureusement pas sur la constitution de la collection. Pour l’esquisser, on peut se reporter à la correspondance qu’entretint Moreau avec l’historiographe et collectionneur François Roger de Gaignières (2) où l’on peut glaner quelques bribes d’information. Ce dernier jouait le rôle de conseiller, comme on peut le voir dans un courrier simplement daté du « mercredi 23 mars[1695] » ; « il y avait aujourd’hui à dîner chez moi un grand nombre d’illustres prélats qui n’ont été occupés que de mes petits portraits. Je leur ai dit que je vous en avais toute l’obligation et lorsqu’ils ont su que les originaux étaient ou à vous ou approuvés de vous, ils ont regardé mes copies avec une entière confiance ». À l’instar du roi des Français, Moreau passait directement des commandes pour compléter les personnages qui lui manquaient : « Je fais habiller le maréchal de Bassompierre avec un habit à la mode de son temps » (lettre du 29 mai 1695). Plusieurs lettres mentionnent surtout des prêts de tableaux de Gaignières à Moreau afin que celui-ci puisse en faire reproduiredes copies.
Rien en revanche dans leur correspondance ne concerne l’achat ou le mode d’acquisition des chefs-d’œuvre. Pour mieux appréhender les œuvres de Poussin, de Mignard, de Carrache, etc., il convient de se reporter à la collection Louis de Nyert, pour laquelle nous avons l’inventaire en 1736. En effet, à sa mort en 1707 et au détriment de sa famille, Moreau avait préféré désigner comme légataire universel – par son testament signé à Versailles le 4 décembre 1707 – son fidèle ami François-Louis de Nyert (ca. 1647-1719), premier valet de chambre du roi. Si l’on en croit le marquis de Dangeau, le legs était loin d’être négligeable. Dans son Journal, à la date du 7 décembre 1707, il signalait en effet : « On croit qu’il [Moreau] lui [à Nyert] laisse la valeur de 100 000 écus [soit 300 000 livres] qui étoient des biens d’acquêt. Il laisse à ses parents les biens qu’il avoit eus de sa famille », ce qui est confirmé par le marquis de Sourches à la même date, minimisant toutefois les acquêts à 250 000 livres. Dès lors s’engagea une importante bataille juridique entre Nyert et la famille de Moreau, de laquelle le premier valet de chambre sortit vainqueur, moyennant toutefois quelques concessions et cessions de rentes… Malgré la mention d’un « inventaire fait après le décès dudit sieur Moreau par Monsieur de Novion, lieutenant général de la prévôté de l’hôtel et grande prévôté de France, et le sieur Chéron son greffier le douze et autres jours du mois de décembre mille sept cent sept » (3), ce précieux document, malgré nos recherches, n’a malheureusement été retrouvé ni aux Archives départementales des Yvelines ni aux Archives nationales…
François-Louis de Nyert mourut à son tour en 1719. On ne jugea alors pas nécessaire de dresser un inventaire puisqu’il ne laissait qu’un seul et unique héritier, pour lequel il existe un inventaire en 1736. C’est la raison pour laquelle, même s’il ne faut pas confondre les deux collections (les Nyert acquirent eux aussi de nombreuses œuvres), on peut toutefois identifier clairement quelques pièces mentionnées chez Moreau. La duchesse d’Orléans évoquait en effet trois toiles de Poussin, dont seules le Moïse sauvé des eaux et Les funérailles de Phocion (mentionnée chez le danseur et chorégraphe Beauchamps en 1687) sont réputées originales tandis que le Paysage avec les cendres de Phocion recueillis par sa veuve est mentionné en 1736 comme étant une copie. Les deux premières peintures sont aujourd’hui conservées à la National Gallery de Londres et au National Museum de Cardiff. Une bonne partie de la collection de 1707 passa à François-Louis de Nyert puis à son fils Louis en 1719, et demeura entre les mains de la veuve de ce dernier en 1736. Marie-Anne Marsollier ne mourut qu’en 1771 et la collection Nyert fut dès lors dispersée à l’occasion d’une vente publique qui eut lieu le 30 mars 1772.
Dominique-Guillaume Le Bel
Moreau ne fut pas le seul à posséder des œuvres d’art importantes dans son appartement à Versailles. Et c’est dans celui d’un autre familier de roi que l’on est étonné de trouver certaines pièces. Il s’agit du logement occupé par Dominique-Guillaume Le Bel (1696-1768) (4), premier valet de chambre de Louis XV. Outre cette charge commensale, Le Bel était aussi concierge du château de Versailles et gouverneur du château du Louvre. À ce titre, il disposait d’un appartement dans chacune des résidences royales et il ne lui avait pas paru nécessaire d’acquérir ou de louer à titre personnel d’habitation privée, préférant loger en permanence chez son maître. C’est dans son appartement versaillais de concierge, situé à l’extrémité est de l’aile du Gouvernement – aujourd’hui détruite et correspondant à l’aile et au pavillon Gabriel –, que furent prisés à sa mort en 1768 plusieurs tableaux non négligeables. Son logement était loin d’être ridicule puisqu’il se distribuait entre la cour de la chapelle et la cour d’honneur, à la fois dans le pavillon et l’aile du Gouvernement proprement dite. Il comportait six pièces au rez-de-chaussée, dont trois à cheminée, et huit en entresol, dont cinq à cheminée. Il fut considéré comme suffisamment décent pour accueillir la comtesse Du Barry en 1769 le temps qu’on aménageât à la nouvelle favorite son appartement à l’attique, à l’aplomb de l’appartement privé de son auguste amant.
Le Bel mourut à Compiègne le 16 août 1768 et son inventaire après décès fut dressé le 10 septembre suivant. Les notaires commencèrent logiquement par son lieu d’habitation principale, à savoir son logement versaillais. Afin d’identifier les différentes œuvres (le sujet représenté, l’artiste, ou parfois les deux), il convient de mettre en regard à la fois l’inventaire après décès, qui reste assez sommaire sur la description des items, et le testament du valet de chambre, en date du 17 juin 1766, lequel désignait plus précisément les dons qu’il souhaitait faire. C’est ainsi que l’on note « À l’entrée du vestibule », « un tableau sur toile d’environ trois pieds et demi de large [environ 114 cm] sur deux et demie[environ 81 cm] de haut représentant un chien et un chat dans sa bordure de bois sculpté doré prisé 96 livres », ou encore « Dans la salle de compagnie », « trois tableaux ci-devant peints à fresque et remis sur toile par [Roger] Picault représentant différents sujets dans leur bordure de bois doré prisé 240 livres », tableaux qu’il convient de rapprocher de la mention testamentaire « Je donne et lègue à M. de Fontanieu le chevalier de Fontanieu [sic], intendant et contrôleur général des meubles de la Couronne, un grand tableau peint par Desportes, représentant un grand chien et un chat, et trois tableaux peints par Mignard tirés de dessus plâtre et mis en toile par Picaud ».
Au contraire de Denis Moreau, nous sommes toutefois ici plutôt face à des pièces collectées par opportunisme et au hasard des fonctions occupées par Le Bel, que cela soit son rôle de concierge, de premier valet de chambre ou encore de « proxénète » notoire et pourvoyeur de jeunes filles pour Louis XV. On note ainsi, dans la garde-robe de la chambre à coucher « un tableau peint en pastel représentant le portrait de Madame Giambone sous glace dans sa bordure de bois sculpté doré prisé 24 livres » que le pourvoyeur de jeunes filles de Louis XV eut la courtoisie de restituer à son modèle par son testament : « Je donne et lègue à Madame de Giambone mon petit secrétaire garni de bronze doré d’or moulu, et celle de mes pendules à équation faites par Chevallier horloger du Roi qui lui plaira le mieux. Je désire que son portrait qu’elle a bien voulu me donner lui soit rendu. » Serait-ce le portrait mentionné par Charles Vatel dans sa monumentale biographie de Mme Du Barry en 1883 ? « Marie-Louise de Marny, connue pour avoir été au Parc-aux-Cerfs. […] C’était une fort jolie personne, la figure mignonne, enfantine, son portrait au pastel a été conservé et existe encore dans une collection particulière, elle porte une rose dans les cheveux, un collier de grosses perles et une mante noire. On a ainsi un spécimen du genre de beauté qui plaisait à Louis XV. Marie-Louise de Marny devint mère. On lui fit épouser un banquier italien, Octave-Marie-Pie Giamboni. » Parmi les autres portraits, on note également celui de Dominique-Guillaume Le Bel lui-même, non prisé comme étant portrait de famille (« À l’égard de trois tableaux […],le troisième représentant ledit feu sieur Le Bel aussi en chasseur »), et qu’il « donne et lègue à M. Cahoüet ci-devant premier commis de la guerre [son] portrait par le sieur [Claude Pougin] de Saint-Aubin et retouché par le sieur de La Roche [neveu de Le Bel] ; [qu’il] prie de l’accepter pour se rappeler du temps en temps qu’il avait en [lui] un bon et fidèle ami ».
Mais les œuvres les plus importantes étaient toutefois conservées à Paris, à la capitainerie du Louvre, où logeait Le Bel lors de ses séjours dans la capitale. C’est dans un salon ayant vue sur le jardin que l’on note « quatre tableaux peints sur toile représentant différents sujets d’histoire dans leur bordure de bois uni doré prisé 24 livres ». La mention paraît anodine, mais elle concerne ni plus ni moins que des œuvres considérables pour l’histoire du château de Versailles. En effet, dans son testament, Le Bel dictait au notaire : « Je donne et lègue à M. de La Martinière premier chirurgien du Roi, mon ancien ami, quatre tableaux esquisses de Le Brun qui ont servi à faire les quatre grands tableaux de l’escalier dit ci-devant des Ambassadeurs qui est détruit aujourd’hui. » Il tenait sans doute ces esquisses directement de son grand-père Michel Le Bel, concierge de Versailles de 1661 à 1695 environ, et qui les avait peut-être reçus de Le Brun lui-même lors de la construction de l’escalier au tournant des années 1670-1680. Le château possédait depuis 1920 deux de ces esquisses des différentes nations du monde, vraisemblablement des copies d’après le peintre : l’Europe(sous le numéro d’inventaire MV5778) et l’Asie (sous le numéro MV5779). Ils étaient jusqu’à présent dits provenant de la collection Marigny. Le château vient en revanche tout juste d’acquérir en 2020 deux de ces petits tableaux, originaux, avec de nouveau l’Asie (V2020.30.1) et l’Afrique (V2020.30.1). On se plaît à croire qu’il s’agit de ceux mentionnés en 1768 chez Le Bel, légués à La Martinière et qui se retrouvaient encore dans l’inventaire du chirurgien en 1783 au milieu de plusieurs objets dans la galerie de son château de Bièvres (« quatre tableaux esquisses de Le Brun sujet du grand escalier de Versailles »), lesquels furent dispersés lors d’une vente publique en mars 1784, comme cela est mentionné à l’issue de son inventaire.
Et que dire de l’œuvre la plus sulfureuse, exposée « dans une pièce en suite de ladite chambre à coucher servant de seconde antichambre en entrant par la cour », « un tableau peint en pastel représentant une femme nue dans sa bordure de bois doré prisé 48 livres » ? C’est une nouvelle fois le testament qui en révèle l’identification : « Je donne et lègue à M. Bouvart médecin que j’aime autant que je respecte les lumières de son état, un tableau en pastel peint par Boucher, premier peintre du Roi, représentant une jeune femme couchée sur une chaise longue. » Il y a tout lieu de croire qu’il s’agit ici d’une variante de l’Odalisque blonde, autrement dit la petite maîtresse de Louis XV, Marie-Louise O’Murphy, alors qu’elle n’était âgée que de quatorze ou quinze ans vers 1751-1752 et dont il existe deux versions, l’une à la Alte Pinakothek de Munich et l’autre au Wallraf-Richartz Museum de Cologne.
Si ces deux exemples de Moreau et de Le Bel sont assez différents, ils permettent toutefois de constater que l’art, hors les superbes collections royales et princières (notamment celles du dauphin, fils de Louis XIV, ou du Régent, neveu du même roi), était loin d’être absent de ces appartements versaillais que d’aucuns au xixe siècle ont appelé nid à rats…
1• Voir Antoine Schnapper, Curieux du Grand Siècle. Collections et collectionneurs dans la France du xviie siècle, Paris, Flammarion, coll. « Champs », 2005, p. 393-394. Voir aussi Géraldine Bécart, La collection de tableaux et de bronze de Louis de Nyert, premier valet de chambre du roi (1686-1736), École du Louvre, mémoire d’étude (1re année de 2e cycle) sous la direction de Mathieu da Vinha, 2014.
2• BnF : ms. fr. 24 989.
3• Arch. nat. : MC/ET/CXII/438/B (notaire Marquis Desnotz) – 25 mai 1708, transaction entre François de Nyert, Anne Cornu, Claude Guillebon et Marie Cornu.
4• Sur le personnage, voir le chapitre qui est consacré à sa famille dans notre ouvrage Au service du roi : Les métiers à la cour de Versailles, Paris, Tallandier, coll. « Texto », 2020, p. 223-247.
La duchesse d’Orléans chez Denis Moreau
« Hier j’ai eu la curiosité d’aller voir l’appartement de M. Moreau, premier valet de chambre du duc de Bourgogne. Il l’a arrangé lui-même, et j’en avais beaucoup entendu parler. J’y suis donc allée au lieu de me rendre au prône. C’est petit, mais très propre et très curieux. Il a quatre petites chambres ornées de portraits et de tableaux. D’abord de magnifiques toiles de Poussin ; le roi n’en pas de plus belles. Il y en a trois grandes. L’une représentant la mort de Phocion ; dans l’autre, on recueille ses cendres, et la troisième nous montre Moïse sauvé des eaux par la fille du roi d’Égypte. Il y a aussi un Carrache, un Mignard, un Van Dyck, un Bassan et d’autres tableaux de peintres dont j’ai oublié les noms. Ils ont tous des cadres dorés et façonnés, et autour des grands tableaux il y en a de petits qui représentent tous les rois de France depuis François Ier jusqu’à notre roi. Au-dessous de chaque roi, l’on voit tous les grands hommes, savants et guerriers, qui ont vécu de son temps. Moreau a les portraits de tous les poètes depuis la même époque jusqu’à nos jours. Malherbe a une affreuse barbe. Il a également les maîtresses de tous les rois et toutes les reines. Dans un cabinet à part se trouvent Mme de Montespan, Mme de La Vallière, Mme de Fontange, Mme de Ludre. Il a aussi Mme de Maintenon, habillée comme une sainte, et toute la famille royale, ainsi que tous ceux qui ont gagné des batailles, rangés par ordre chronologique ; on voit parmi eux Monsieur le Prince, le duc d’Harcourt, M. de Turenne et M. de Luxembourg. Il a placé sous le cardinal de Richelieu tous ceux qu’il a fait mourir, tels que M. de Montmorency, le maréchal d’Ancre, M. de Cinq-Mars, le maréchal de Marillac et M. de Bassompierre. Sous le portrait d’Henri III sont tous les guillarts, et tout ce qui a joué un rôle du temps de la Ligue. Mais ce serait trop long de vous raconter tout ce que j’ai vu. Moreau a encore de belles porcelaines de prix et des figures de bronze, les portraits de M. Le Brun, de Mignard, de M. Le Nostre, très ressemblant, de Racine, de Corneille, de La Fontaine, très ressemblant aussi, enfin tous les jansénistes et Mme Guion. Je lui conseillai de placer cette dame entre M. de Cambray et M. de Meaux. Il me dit qu’il y avait bien songé, mais qu’il n’avait pas osé le faire. Il a aussi le portrait de Rabelais, qui a une physionomie très comique. Tout cela est très joli à voir ; je suis restée une heure entière à tout examiner. Comme les temps sont changés ! Excepté Mme de Maintenon, qui est habillée comme une sainte Françoise, tous les autres sont dans leur costume naturel, et ces costumes ne ressemblent guère aux nôtres. Le brave Chivry est singulièrement accoutré ; il a un pourpoint gris de lin tout tailladé et doublé de bleu ; mais je crains de vous ennuyer avec tous ces détails… » (lettre de Madame, duchesse d’Orléans, à la duchesse de Hanovre, le 23 mars 1702).
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