top of page

Casertele « Versailles napolitain »

Quand l’Italie n’était pas encore unie, le royaume des Deux-Siciles, dont la capitale était Naples, possédait son Versailles : le splendide palais de Caserte, entouré de jardins enchanteurs. Aujourd’hui, ce vaste domaine fait le bonheur des touristes qui viennent y chercher la fraîcheur et l’émerveillement, sans songer qu’il s’agit de la plus grande résidence royale au monde.


ree

En 1751, Charles de Bourbon, arrière-petit-fils de Louis XIV, qui règne sur Naples et la Sicile, exprime la volonté d’ériger une résidence capable de rivaliser avec celle de son superbe aïeul. Même la distance depuis la capitale régionale est semblable : une vingtaine de kilomètres de Naples, comme Versailles de Paris. À l’abri des excursions ennemies sur les côtes, le site choisi (1) se trouve assez loin du Vésuve et de la mer, offrant une protection en cas d’éruption du volcan. Comme l’écrivent Charles Percier et Pierre Fontaine, architectes de Napoléon Ier, le roi « voulut faire dans ce lieu renommé de tout temps par ses délices, par la salubrité de l’air, la fertilité du sol, ses forêts, et les agréments champêtres dont il est entouré, une habitation de campagne qui devait surpasser en étendue et en magnificence toutes les résidences des autres potentats de l’Europe ».


À l’instar du modèle français, le souverain compte y transférer aussi bien sa cour que les principales administrations du royaume. À cet effet, il planifie de relier Naples et Caserte par une avenue monumentale tirée au cordeau. De nos jours, la Viale Carlo III di Borbone remplit ce rôle. Un voyageur du xixe siècle note que celui qui veut jouir de la perspective qu’offre le palais de Caserte doit le voir en venant de Naples : « À un mille de distance il aperçoit déjà sa façade immense, et surtout cette belle cascade qui se précipite d’une hauteur de trois milles, et dessine une ligne d’écume plus éclatante que la neige. Caserte est le Versailles de Naples, bâti par Charles III, le Louis XIV de ce royaume, qui eut à vaincre les mêmes difficultés, et qui, ainsi que son modèle, dépensa des millions. »


Le rêve d’un architecte

Le célèbre architecte et paysagiste Luigi Vanvitelli, d’origine hollandaise, est alors à l’apogée de son art et jouit d’une réputation affirmée après avoir dirigé de grands travaux à Urbino, Rome, Naples ou Ancône. Son projet plaît immédiatement à Charles de Bourbon, qui y retrouve ses rêves de grandeur et de puissance. La première pierre du palais royal de Caserte (Reggia di Caserta) est posée le 20 janvier 1752, jour du trente-sixième anniversaire du roi. Dans les années suivantes, les murs s’élèvent avec rapidité. Cependant, en 1759, le monarque est appelé à ceindre une autre couronne et devient Charles III d’Espagne. Il quitte Naples et son nouveau palais inachevé, laissant derrière lui seulement le premier étage du corps du bâtiment et l’ébauche du parc.


Le troisième fils de Charles, qui lui succède sur le trône napolitain sous le nom de Ferdinand IV, n’est alors âgé que de huit ans. Le conseil de régence, présidé par le ministre Bernardo Tanucci, prêche l’économie et oppose un véto aux demandes de l’architecte. Mais la nature s’en mêle : en 1767, une éruption du Vésuve donne tant de frayeurs au roi qui réside au palais de Portici, trop proche du volcan, qu’il ordonne la reprise des travaux à Caserte. L’année suivante, Ferdinand épouse Marie-Caroline d’Autriche ; en sa compagnie, il inaugure la Grande cascade. Ce souverain fantasque et veule crée également la ville neuve de Caserte et la manufacture de soie de San Leucio, devenue une petite colonie, à laquelle il rend souvent visite.


Des Bourbons aux Bonaparte

Après la mort de l’architecte en 1773, le chantier se poursuit sous la direction de Carlo Vanvitelli, fils de Luigi, qui se voit obligé de revoir le projet de son père à la baisse pour des raisons financières. Il utilise les pierres italiennes : le tuf de San Nicola, le travertin de Bellona, le calcaire de San Leucio, la pouzzolane de Bacoli, le marbre gris de Mondragone, le marbre blanc de Carrare. Le couple royal y réside régulièrement dans le palais depuis 1780 jusqu’à l’invasion française. La reine dépense beaucoup pour le à décorer le palais et pour , à créerréunir une galerie d’art et réunir une collection de porcelaine.


En 1798, après le départ précipité de Ferdinand IV en Sicile avec toute sa cour, des militaires français investissent le domaine. Leur commandant en chef Jean-Étienne Championnet y établit son quartier général. La république est proclamée à Naples, une nouvelle ère commence. Les Français s’en vont quelques mois plus tard, tandis que les partisans des Bourbons, aidés par les Anglais, entament une offensive d’envergure. Les patriotes défaits sont exécutés, emprisonnés ou exilés. Ferdinand et Marie-Caroline récupèrent leur royaume pacifié mais meurtri. Toutefois, leur retour est de courte durée. Une nouvelle parenthèse française s’ouvre en 1806 avec l’arrivée de Joseph Bonaparte, frère de Napoléon, qui ceint la couronne napolitaine. Deux ans après, il est remplacé par son beau-frère Joachim Murat, époux de Caroline Bonaparte. Le flamboyant cavalier se montre un souverain sensible aux arts. Il engage des architectes et des artistes pour effectuer de grands travaux à Caserte, résidence qu’il affectionne. Sa femme y vient souvent elle aussi et s’amuse à se retirer avec ses dames dans un charmant petit château qui se trouve dans le parc ; plaçant des sentinelles dans les guérites et levant le pont-levis, elle soutient un siège en règle contre le roi et les dignitaires de sa cour, au milieu des éclats de rire.


En 1815, la chute de l’Empire napoléonien entraîne la restauration des Bourbons. Le roi change de numéro et devient Ferdinand Ier des Deux-Siciles. C’est à Caserte qu’il signe, le 8 décembre 1816, l’acte de l’unification des royaumes de Naples et de Sicile, créant ainsi le plus grand État de la péninsule italienne. Il ordonne d’enlever tout ce qui rappelle Murat – qu’il a fait fusiller –, tout en gardant le mobilier Empire de la salle d’Alexandre.


Stendhal s’y rend en 1817 et trouve le palais fort au-dessous de sa réputation : « Je viens de faire trente milles inutiles. Caserte n’est qu’une caserne dans une position aussi ingrate que Versailles. À cause des tremblements de terre, les murs ont cinq pieds d’épaisseur : cela fait, comme à Saint-Pierre, qu’on y a chaud en hiver et frais en été. Murat a essayé de faire finir ce palais : les peintures sont encore plus mauvaises qu’à Paris, mais les décors sont plus grandioses. »


Symbole d’un royaume disparu

Au xixe siècle, Caserte entre dans la modernité. En 1844, Ferdinand II y fait construire la « chaise volante », prototype de l’ascenseur, qui évite au souverain presque obèse de monter et de descendre les escaliers. Les bâtiments sont définitivement terminés en 1847. À l’intérieur, on distingue les vieux appartements (datant de la fin du xviiie siècle) et les nouveaux appartements (aménagés au début du xixe siècle), d’une richesse impressionnante : soieries, tapisseries, miroirs, meubles de grand prix. Cependant, le palais, bâti sur un plan rectangulaire, se distingue par la monotonie de ses façades. Alexandre Dumas visite les lieux à cette époque : « Caserte, le Versailles de Naples, est, en effet, une bâtisse dans le goût froid et lourd du milieu du xviiie siècle. Les Napolitains qui n’ont point voyagé en France soutiennent que Caserte est plus beau que Versailles ; ceux qui ont voyagé en France se contentent de dire que Caserte est aussi beau que Versailles ; enfin, les voyageurs impartiaux qui ne partagent point l’engouement fabuleux des Napolitains pour leur pays, sans mettre Versailles très haut, mettent Caserte fort au-dessous de Versailles ; c’est notre avis aussi, à nous, et nous ne craignons pas d’être contredit par les hommes de goût et d’art. »


Les Bourbons possèdent le domaine de Caserte jusqu’en 1860, sans en faire leur résidence permanente. Le dernier souverain de cette dynastie à y résider est François II, dont le règne s’achève par la disparition du royaume des Deux-Siciles et la fondation du royaume d’Italie sous l’égide de la maison de Savoie. À la fin des années 1860, le palais s’ouvre aux visiteurs. Quelques parties sont cédées à l’école des sous-officiers, remplacée ensuite par l’Académie de la garde des finances. En 1919, Victor-Emmanuel III cède le domaine à l’État, avec d’autres anciennes résidences royales. De 1926 à 1943, le palais abrite l’Académie aéronautique. Son occupation par les nazis est ponctuée de pillages ; diverses œuvres d’art disparaissent ainsi. Le 29 avril 1945, c’est à Caserte qu’est signée la reddition des troupes allemandes en Italie et que se tient le premier procès pour crimes de guerre.


Endommagé par les bombardements, le domaine entre dans l’ère des travaux de restauration. Les parterres de buis et les fontaines sont restitués selon les plans originaux de Luigi Vanvitelli. Le mobilier, la bibliothèque et la galerie de peintures, qui ont été déplacés vers d’autres palais pendant la guerre, retrouvent leurs emplacements d’origine. Le public y est réadmis depuis 1958. Plusieurs associations historiques et patrimoniales y ont leur siège. En 1997, le palais et le parc de Caserte sont déclarés patrimoine mondial par l’UNESCO. Ils servent régulièrement de cadre aux tournages : parmi d’autres, citons La Guerre des étoiles en 1997 et Waterloo de Sergueï Bondartchouk en 1970. Après un tremblement de terre dévastateur qui a frappé l’Italie le 23 novembre 1980, un galeriste napolitain, Lucio Amelio, demande à quelques artistes contemporains d’exposer leurs créations au palais de Caserte ; cette collection, appelée Terrae Motus, entre en résonance avec les peintures des xviiie et xixe siècles.


Aujourd’hui, le domaine de Caserte demeure le symbole du royaume qui a disparu avec l’unification de l’Italie. Le ministère de la Culture s’efforce de le sortir de l’ombre et d’attirer les touristes, dix fois moins nombreux qu’à Versailles.


Un décor somptueux

Le palais baroque avec des éléments néoclassiques, qui surpasse son homologue français par sa taille, compte cinq étages et deux sous-sols ; les bâtiments, massifs et imposants, s’articulent autour de quatre cours identiques. Il y a deux mille fenêtres et quelque deux cent cinquante pièces par étage. Le siècle des Lumières, avec son rationalisme, a laissé son empreinte partout à Caserte, où règnent l’ordre et la symétrie. Les volumes et les couleurs y forment une remarquable unité, au service du « classicisme d’État ».


Le vestibule central s’ouvre sur un majestueux escalier d’honneur en marbre blanc de Carrare, protégé par deux lions qui incarnent la force des armes et de la raison. Chef-d’œuvre de Vanvitelli, cet exemple parfait d’un escalier de parade baroque symbolise le passage des ténèbres vers la lumière. Trois statues allégoriques représentent la Majesté royale (aux traits de Charles de Bourbon chevauchant un lion), la Vérité et le Mérite. En face, l’effigie monumentale d’Hercule appuyé sur une massue est la copie romaine d’un original grec, provenant des thermes de Caracalla et arrivée à Naples avec le reste de la collection Farnèse (2) en 1766. La coupole masque l’espace réservé à l’orchestre, donnant l’impression d’un « chœur invisible ».


Charles de Bourbon ayant exprimé le désir d’avoir une chapelle palatine dès 1752, Vanvitelli a mis tout son talent à son service. Si la ressemblance avec Versailles est évidente, l’architecte s’en défendait et s’irritait lorsqu’on lui en faisait la remarque. En effet, il y a une différence fondamentale : en France, le roi accédait directement à la tribune et dominait d’emblée ses sujets, tandis qu’à Caserte, le souverain pénétrait dans la chapelle par son unique entrée depuis un vestibule octogone avant de monter l’escalier. Charles se vantait de ce que les marbres utilisés pour construire sa chapelle palatine provenaient intégralement de son royaume ; en réalité, les balustrades sont en marbre de Carrare, du nord de l’Italie. En revanche, les marbres du sol sont antiques, et proviennent du palais Farnèse à Rome. La chapelle a été inaugurée par Ferdinand IV la nuit de Noël 1784 ; la reine était absente, retenue dans ses appartements après un nouvel accouchement. Un autre moment mémorable a été la messe de Noël célébrée en 1849 par le pape Pie IX exilé. Les peintures originales ont été détruites lors des bombardements de 1943.


Dans le projet initial de Luigi Vanvitelli, il y avait huit appartements destinés aux souverains et à leur progéniture. Le couple royal a habité à partir des années 1780 dans les pièces réservées aux princes, en attendant l’achèvement des chambres du roi et de la reine. À gauche du vestibule, les appartements royaux commencent par cinq antichambres. La salle des Hallebardiers est décorée de panneaux en stuc ; au plafond, Domenico Mondo a peint en 1789 Le Triomphe des armes bourboniennes. Huit bustes féminins symbolisent les arts libéraux. Quatre bustes de reines de Naples ornent les consoles, faisant écho aux bustes de rois, leurs époux, dans la salle des gardes du corps. Réalisée par Carlo Vanvitelli, celle-ci frappe par la richesse de sa décoration en stuc ; outre la peinture de Gerolamo Starace La Gloire du prince et les douze provinces du royaume, douze bas-reliefs (1786-1789) racontent la deuxième guerre punique. Un groupe sculptural du xvie siècle, par Simone Moschino, représente Alexandre Farnèse en chef de guerre romain, couronné par la Victoire pour avoir ramené dans le giron catholique les protestants des Flandres.


La salle d’Alexandre, destinée aux militaires de la garde royale puis transformée en salle du trône par Murat, tire son nom de la fresque Les Noces d’Alexandre le Grand avec Roxane, peinte par Mariano Rossi en 1787. Connue également comme « la salle de Marbre », elle constitue une sorte de trait d’union entre le xviiie et le xixe siècles. Murat y a installé deux fauteuils d’apparat en bois doré, en provenance du palais des Tuileries. Les bas-reliefs au-dessus des portes racontent des épisodes de la vie d’Alexandre le Grand. Deux tableaux sont dédiés au fondateur de la dynastie : Charles de Bourbon à la bataille de Velletri et L’Abdication de Charles en faveur de son fils Ferdinand.


Très altérée durant les siècles, la salle d’Alexandre jouxte celle de Mars, plus somptueuse, aménagée également sous le règne de Murat pour y accueillir les dignitaires et les invités de marque. Son décor néoclassique exalte les vertus guerrières, puisant les sujets dans l’Iliade. La cinquième antichambre (le salon d’Astrée), destinée à recevoir les ambassadeurs, les secrétaires d’État et les gentilshommes de la chambre, présente une iconographie se rapportant à la justice et aux lois. Le peintre Jacques Berger, auteur du Triomphe d’Astrée qui orne le plafond, s’est inspiré des traits de Caroline Bonaparte-Murat. Cette antichambre précède la salle du Trône, la plus grande des appartements royaux. Terminée par Ferdinand II en 1845, elle est ornée de vingt-huit pilastres corinthiens cannelés, disposés par paires. L’architrave porte les portraits en relief de 44 souverains napolitains, depuis Roger le Normand jusqu’à Ferdinand II de Bourbon, à l’exclusion de Joseph Bonaparte et de Murat.

À côté se trouve la salle du Conseil, elle aussi due à Murat. De dimensions beaucoup plus modestes, cet espace n’en est pas moins somptueusement décoré. Au centre, une table néobaroque incrustée de médaillons en porcelaine, qui dépeignent des scènes de la vie quotidienne et des costumes traditionnels, a été offerte par le peuple à François II à l’occasion de son mariage avec Marie-Sophie de Bavière. Les tableaux sont de l’école napolitaine. Les visiteurs passent ensuite dans la chambre à coucher de François II ; bien que cette pièce porte le nom de ce souverain qui a quitté le pouvoir après moins de deux ans de règne, son aménagement remonte au règne de Murat. Les meubles, réalisés à Naples selon le modèle français, sont de style Empire. Une autre chambre à coucher du palais est celle de Ferdinand II, emporté en trois mois par une « maladie infectieuse ». Après sa mort, survenue à Caserte le 22 mai 1859, tous ses meubles ont été brûlés par peur de la contagion.


Les appartements de la reine s’ouvrent sur deux petites pièces : le cabinet de travail, orné de grands miroirs fabriqués à Castellammare, et le boudoir de Marie-Caroline. La bibliothèque palatine a été fondée en 1768 par cette reine, connue pour son intelligence et sa culture, et contient 14 000 volumes. Marie-Caroline a chargé de sa décoration un artiste allemand, Heinrich Friedrich Füger, qui a puisé dans le répertoire classique, par contraste avec les décors baroques de la tradition napolitaine. Les thèmes choisis font un tremplin entre l’histoire de l’humanité et le nouveau « siècle d’or » bourbonien ; d’aucuns ont voulu y voir des allusions aux liens de Marie-Caroline avec la franc-maçonnerie. Les fresques en clair-obscur, d’après les dessins de Carlo Vanvitelli, s’inspirent des découvertes faites à Pompéi et Herculanum, dont les fouilles ont été initiées au xviiie siècle. Les trois salles de la bibliothèque sont somptueusement meublées en noyer et en acajou.


Dans la Salle elliptique est exposée l’extraordinaire Crèche bourbonienne récemment restaurée. La vieille tradition napolitaine des crèches de Noël très sophistiquées était l’un des divertissements de la cour ; tout le monde prenait part à leur élaboration aux côtés des artistes et des artisans.


Le théâtre de la cour est le seul espace terminé par Luigi Vanvitelli lui-même. Des colonnes d’albâtre soutiennent le plafond et les loges richement décorées. Il s’agit d’une reproduction à plus petite échelle du célèbre théâtre de San Carlo de Naples, chef-d’œuvre d’élégance et de raffinement ; son décor de damas bleu et de dorures le distingue néanmoins de son homologue napolitain paré de rouge. Il a été inauguré en 1769, en présence des souverains entourés de la fine fleur de la noblesse napolitaine, par la représentation de l’opéra de Claudio Monteverdi Néron, ou Le Couronnement de Poppée.


Une oasis de fraîcheur

Le parc s’étend sur près de 120 hectares. S’inspirant de Versailles, Luigi Vanvitelli a présidé à la plantation et à l’aménagement des jardins dont il a conçu les plans. Il a dessiné des temples, des pavillons d’agrément, des cascades, des bassins, créant l’illusion que l’allée principale s’aligne jusqu’à l’horizon. Percier et Fontaine admirent son grand aqueduc en pierre de tuf, « entreprise extraordinaire digne des anciens Romains, plus importante et plus hardie, à tous égards, que les aqueducs de Marly, de Buc, de Maintenon, qui ont été faits ou projetés pour fournir de l’eau au château de Versailles ». L’acquedotto Carolino, long de 38 km et essentiellement souterrain, recevait plusieurs sources ; les eaux ramassées dans un canal traversant la vallée venaient alimenter, par un grand nombre de ramifications et de conduits séparés, les pièces d’eau, la Grande Cascade en face du château, les bassins et les nombreux jets d’eau qui décoraient les parterres. Cet extraordinaire ouvrage d’art hydraulique est toujours en service.


À la fin du xviiie siècle, lorsque la mode des jardins à l’anglaise s’est propagée partout en Europe, ceux de Caserte ont subi des modifications : les bosquets symétriques, les allées droites et alignées, ont été rendus irréguliers et tortueux. Marie-Caroline y a investi sa fortune personnelle, pour que son jardin anglais, aux plantes rares et exotiques, rivalise avec le Petit Trianon de sa sœur Marie-Antoinette. Les fontaines monumentales sont dédiées aux personnages mythologiques : Diane et Actéon, Vénus et Adonis, Cérès, Éole. S’y retrouvent les tritons, les dauphins, les nymphes, motifs habituels des jets d’eau de cette époque férue de l’Antiquité. La Grande Cascade est le point d’orgue de ce merveilleux ballet aquatique.

(1) Alexandre Dumas livre une critique acerbe à ce propos : « On a beaucoup reproché à Louis XIV le malheureux choix du site de Versailles, que l’on a appelé un favori sans mérite ; nous ferons le même reproche au roi Charles III ; mais Louis XIV avait au moins cette excuse de la piété filiale, qu’il voulait conserver, en l’encadrant dans une bâtisse nouvelle, le charmant petit château de briques et de marbre, rendez-vous de chasse de son père. Cette piété filiale coûta un milliard à la France. Charles III, lui, n’a pas d’excuse. Rien ne le forçait, dans un pays où les sites délicieux abondent, de choisir une plaine aride, au pied d’une montagne pelée, sans verdure et sans eau ; l’architecte Vanvitelli, qui bâtit Caserte, dut planter tout un jardin autour de l’ancien parc des seigneurs et faire descendre de l’eau du mont Taburno. »


(2) La mère de Charles de Bourbon était Élisabeth Farnèse, dernière descendante de cette illustre famille. Ferdinand IV a organisé le transfert de cet héritage prestigieux à Naples.

Encadré 01


«  Tout est grand, tout est somptueux »

En comparant différentes résidences de souverains, Charles Percier et Pierre Fontaine constatent : « Aux défauts de correction près, qui se font remarquer dans tous les profils et les ornements de cette grande construction, on pourrait assurer qu’il y a peu d’habitations de souverains dans lesquelles on rencontre un ensemble plus imposant, une marche de plan plus grande que dans le château de Caserte. Cependant, malgré ces nombreux avantages, qu’il est impossible de ne pas reconnaître, malgré le bon ensemble, l’uniformité complète, l’ordonnance méthodique des subdivisions de cette vaste habitation, on est disposé, en la considérant plus attentivement dans ses détails, à trouver qu’elle n’a pas le charme et les agréments désirables. Tout est grand, tout est somptueux dans cette riche demeure, mais tout y est triste, monotone et peu commode » (Résidences de souverains, par C. Percier et P. F. L. Fontaine, Paris, chez les auteurs, au Louvre, 1833).


Le palais et ses jardins.

La reine Marie-Caroline de Naples. Cette souveraine, épouse de Ferdinand IV, aimait séjourner à Caserte. Elle est à l’origine de la bibliothèque palatine et du jardin anglais dans le parc.

 
 
 

Comments


DSI EDITIONS

Shop (en construction)

Socials

DSI EDITIONS

Napoleon 1er Magazine

Napoleon III Magazine

Chateau de Versailles 

Paris de Lutece à Nos Jours

14-18 Magazine

© 2024 DSI EDITIONS

bottom of page